Introduction

décembre 2019, par Georges Mion

« Si ta main droite est pour toi une occasion de péché, coupe-la et jette-la loin de toi : car mieux vaut pour toi que périsse un seul de tes membres et que tout ton corps ne s’en aille pas dans la géhenne » (Mt 5:30).

Dans le monde, toutes les cinq minutes, une personne meurt des suites d’une morsure de serpent…

Mentionnées pour la première fois trois siècles avant J.C. dans un papyrus de la XXXème dynastie (Papyrus du Brooklyn Museum), les envenimations ophidiennes restent en Occident une pathologie « improbable », peu ou jamais abordée au cours des études de médecine.

Consommé dans d’incertaines liqueurs, enroulé autour du caducée (celui, ailé, d’Hermès, ou celui d’Esculape, qui comporte un miroir), exposé au front des pharaons (Uræus) ou déployé au dessus du bouddha, médiateur de l’échappée finale du petit Prince, de celle de Cléopâtre, quand il ne rappelle pas, simplement chaque jour, au médecin l’indispensable prudence dont il doit faire preuve dans l’exercice de son art, le serpent, partenaire obligé du mythe de la chute, hante notre imaginaire. 500 espèces sont venimeuses parmi les 2 500 recensées, et la trentaine qui présente un risque pour l’homme pourrait être à l’origine de plus de 100 000 décès annuels : un dixième des victimes annuelles du paludisme.

Extrêmement douloureuse et grevée de complications mutilantes, l’application d’un garrot, recommandée au moins deux siècles avant notre ère, plus récemment au XVIème siècle par Ambroise Paré, n’a été progressivement supplantée qu’à partir de 1977 par la technique de « pression - immobilisation » mise au point par le pionnier australien des envenimations, Struan Sutherland (1936-2002).

Discréditée également, la strychnine, considérée à la fin du XIXème siècle comme une Panacée dans le traitement des syndromes cobraïques. Et la pratique d’injections locales de permanganate de potassium s’est poursuivie jusque dans les années 30 pour les premiers soins des morsures de death-adder australien. Beaucoup de ces traitements empiriques reflétaient seulement la terreur et surtout l’impuissance des humains face aux morsures de la « bête » (les Evangiles suggèrent que mieux vaut la perte d’un membre que le décès) ; il a fallu attendre 1955 pour qu’un antivenin soit développé contre des morsures qui ne laissaient pratiquement jamais de survivant : celle du redoutable taipan océanien.

Nous savons désormais que la seule thérapeutique efficace vis à vis des envenimations ophidiennes et d’une partie des envenimations dues aux arthropodes et aux animaux marins, est une version moderne de l’immunothérapie antivenimeuse découverte par Phisalix et par Calmette, ancien élève de l’école de Santé Navale, la même année : en 1894.

A l’occasion d’opérations militaires ou humanitaires, ou lors de l’admission surprise d’une victime de morsure par un animal dit de compagnie, les médecins occidentaux risquent d’être confrontés tôt ou tard à la prise en charge de cette pathologie mystérieuse voire inquiétante, pour la plupart d’entre eux.

Aussi cet ouvrage se propose-t-il de vous « embarquer », dans un cheminement qui se veut découverte, ou démystification, des mécanismes variés, surprenants, parfois passionnants, de ces perturbations complexes de l’homéostasie métabolique, qu’elle soit neurologique, respiratoire, cardiovasculaire ou hémostatique. 21 chapitres ont été élaborés dans cet esprit par des chercheurs - certains dont l’influence fut si prégnante, ont disparu au début de cette année - et par des cliniciens, pour vous mener de la compréhension et l’analyse de l’impact si étroitement spécifique des toxines sur l’organisme, vers une synthèse des connaissances et des traitements actuels, fondée parfois sur des preuves - comme le voudrait la médecine factuelle - souvent sur une longue expérience de ce qu’il faut et, plus certainement encore, de ce qu’il ne faut pas faire.

Georges Mion, Paris,
vendredi 13 juin 2008

La vie de l'Anesthésie

rechercher sur le site de la SARAF

Recherches


Pour rendre vos recherches plus faciles