Anesthésie locorégionale périphérique en Afrique : quelles perspectives ?
Facteurs prédictifs préopératoires de sevrage difficile de circulation (...)
Problématique de la ventilation mécanique dans un service de réanimation (...)
Prescription du bilan pré opératoire systématique : intérêt en chirurgie (...)
Les traumatismes par accidents chez les enfants admis au service des (...)
Place des pathologies cardiovasculaires dans l’évaluation du risque (...)
Difficultés thérapeutiques au décours d’une cure chirurgicale de sténose (...)
Pronostic néonatal dans l’accouchement du 2ème jumeau au centre (...)
Noyades accidentelles : analyse de 59 cas au CHU de Treichville
Transfusion homologue versus hémodilution normovolemique intentionnelle
Motivations des parents d’enfants malades à consulter un service (...)
Hématomes cérébelleux spontanés en réanimation polyvalente. A propos de (...)
Prise en charge d’un cas de syndrome de détresse respiratoire aigüe par (...)
janvier 2012
Résumé
Patientes et méthodes : Il s’agissait d’une étude transversale prospective sur une période de 12 mois consécutifs, allant du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2009.Elle a concerné 193 gestantes ayant accouché de jumeaux dans le service de gynécologie et d’obstétrique du CHU de Cocody.
Résultats : La fréquence des accouchements gémellaires est de 4,49%.La moyenne d’âge des gestantes était de 27,8 ans avec des extrêmes de 15 et 50 ans. Les gestantes étaient des nullipares dans 29,01% des cas. Les parturientes étaient suivies dans une formation sanitaire de niveau II dans 77,7% des cas. Elles étaient évacuées dans 69,9% des cas. Seules 30,6% des grossesses gémellaires ont été précocement diagnostiquées. La présentation de J2 était céphalique dans la majorité des cas (60,6%). La plupart des parturientes (51,3%) avait accouché par voie basse, dont 14% après des manœuvres obstétricales. L’intervalle entre les naissances de J1 et J2 était en moyenne de 12,3 mn. Il a été pratiqué une césarienne pour l’extraction de j2 dans 21,4% des cas. Les J2 étaient nés avec un bon état neurologique dans 53,30% des cas. Il a été recensé 18 cas de mort péripartum soit 9,3%.
Conclusion : Les accouchements gémellaires doivent être considérés comme des accouchements à risque. Un des objectifs est d’éviter des manœuvres considérées comme traumatisantes, et la césarienne sur le deuxième jumeau.
Mots-clés : accouchement gémellaire - pronostic fœtal – SONU – grande extraction de siège
Summary
Patients and Methods : This was a prospective cross-sectional study over a period of 12 consecutive months ; from 1st January 2009 to 31 December 2009. It involved 193 pregnant giving birth to twins in the department of Obstetrics and Gynecology of University Hospital of Cocody.
Results : The frequency of twin births is 4.49%. The average age of 27.8 years was pregnant with extremes of 15 and 50. Gestures were nulliparous in 29.01% of cases. Parturients were followed in a health facility level II in 77.7% of cases. They were evacuated in 69.9% of cases. Only 30.6% of twin pregnancies were diagnosed early. The presentation was cephalic T2 in most cases (60.6%). Most parturients (51.3%) had delivered vaginally, 14% after obstetric maneuvers. The interval between births of T1 and T2 averaged 12.3 minutes. It was performed a Caesarean section for the extraction of T2 in 21.4% of cases. The second twins were born with good neurological condition in 53.30% of cases. It was identified 18 cases of peripartum death (9.3%). Conclusion : The twin births should be considered as risk deliveries. One objective is to avoid maneuvers considered traumatic, and Caesarean section on the second twin.
Keywords : twin birth, fetal prognosis-SONU-seat extraction
Auteur correspondant : Docteur Kouamé Arthur Didier. Email : karthurdidier chez yahoo.fr
De diagnostic tardif dans nos régions, la grossesse gémellaire pose divers problèmes dominés par le risque de prématurité et une morbidité fœtale élevée du 2ème jumeau [1].Malgré les progrès réalisés en obstétrique et en pédiatrie, l’accouchement gémellaire continue d’être une situation à risque [1-5]. L’obstétricien est tenté dans certaines situations de recourir systématiquement à une césarienne [2, 7, 8, 9]. Compte tenu de la morbidité néonatale du deuxième jumeau (J2), la prise en charge de l’accouchement du deuxième jumeau devrait être rigoureuse. Aussi, l’objectif de ce travail était d’améliorer le pronostic néonatal dans l’accouchement du 2ème jumeau au CHU de Cocody. Les objectifs spécifiques étaient d’abord de décrire les caractéristiques épidémiologiques des patientes et les différents facteurs de risque dans l’accouchement de J2 et enfin d’analyser le pronostic néonatal du deuxième jumeau.
Il s’agissait d’une étude transversale prospective portant sur les accouchements du deuxième jumeau. Elle s’est déroulée du 1er Janvier 2009 au 31 Décembre 2009 au service de gynécologie et d’obstétrique du CHU de Cocody. Les cas concernaient toutes les grossesses gémellaires ayant atteint 28 semaines d’aménorrhée et ayant accouché le deuxième jumeau au CHU de Cocody. Toutes les femmes portant une grossesse multiples avec un nombre de fœtus supérieur à deux et toutes les gestantes ayant accouché les 2 jumeaux hors du CHU n’ont pas été retenus.
Au cours de la période d’étude, il a été réalisé à la maternité du CHU de Cocody, 3908 accouchements dont 193 cas d’accouchements gémellaires, soit une fréquence de4,49%.
Dans notre étude, la majorité (50,3 %) des patientes avait un âge compris entre 26 et 35 ans, avec une moyenne d’âge de 27,8 ans et des extrêmes de 15 et 50 ans. Les nullipares représentaient 29,01% (n=56), suivi des primipares et des paucipares avec chacune 27,98% des cas.
Nous avons noté77,7% (n=150) de patientes qui étaient suivies dans les maternités périphériques et 2,1% non suivies. Seulement 20,2% d’entre elles étaient suivies au CHU de Cocody. Les patientes ont été évacuées ou référées dans69,9% (n=135)et 30,1% venues d’elles-mêmes. Les admissions sont dominées par la grossesse gémellaire (30,6%), la rupture prématurée des membranes (15,5%) et les présentations dystociques (11,9%).Au cours de l’anamnèse, il a été constaté que 30,6 % (n=59) des parturientes savaient qu’elles attendaient des jumeaux avant leur arrivée au CHU.
Le J2 était en présentation céphalique dans 60,6 % des cas (n=117). La présentation de siège était retrouvée dans 35,2 % des cas et la présentation transversale dans 4,2% des cas. Dans notre étude, l’usage d’ocytocique injectable n’a pas été nécessaire dans 91,2% des cas pour l’accouchement du deuxième jumeau. La plupart des accouchements du deuxième jumeau s’était effectuée par voie basse (51,3%) des cas (n=99) ; dont 14% après manœuvre obstétricale et 37,3% sans manœuvre. Les manœuvres sont listées dans le tableau I
Nous avons noté 1 cas de fracture du fémur après une grande extraction du siège.
Les indications étaient dominées par les présentations irrégulières des jumeaux dans 53,2%, les syndromes vasculo-rénaux dans 20,2% etla souffrance fœtale dans 17,1%.Parmi les indications, il a été pratiqué une césarienne exclusivement pour l’extraction du 2ème jumeau dans 21,4% des cas (n=19).
L’âge gestationnel variait entre 34 et 36 semaines dans 54,9% des cas (n=106) et entre 28 et 33 semaines dans 17,6% des cas (n=33).
L’intervalle moyen était de 12,3 mn avec des extrêmes de 1mn et de 422 mn
Dans 53,3% des cas, le score D’APGAR était supérieur à 7 à la première minute de vie. Seuls 16,1%(n=31) des J2 ont été réanimés. L’on note 43% des j2 (n=83) qui ont nécessité une hospitalisation en néonatologie. La majorité des bébés a été transférée en néonatologie pour prématurité à 51,8% (n=43) et à 34,9% (n=29) pour mauvais APGAR.Nous avons recensé 18 cas de décès de J2 soit 9, 3% ; dont 16 à la première minute de vie et 2 nouveau-nés décédés en cours d’hospitalisation en néonatologie. Parmi ces décès, 4 étaient issus des patientes venues d’elle-même et 14 des patientes évacuées. Le score D’APGAR était bon dans plus de 70,4% (n=136) des cas lorsque le délai entre les naissances était inférieur à 14 minutes.Les bébés nés de multipares ont obtenu les meilleurs scores D’APGAR dans de 35,2% des cas (n=68).
La fréquence de grossesses gémellaires était estimée à 4,49% dans notre étude. Cette fréquence est proche de celle rapportée par Lokossou à Cotonou, avec 4,80% des cas[3].La fréquence de la grossesse gémellaire spontanée varie selon les continents : 0,65% en Asie, 1,14% en Europe et 2,2% en Afrique [1,10]. Ainsi, en Afrique, Kouam à Yaoundé notait 1,8% [6], Buambo-Bamanga à Brazzaville 3,76% [11] et Moreira à Dakar 2,9% [4]. La fréquence est de 1 pour 89 grossesses dans une population d’origine européenne [12]. Notre fréquence élevée traduit essentiellement une forte évacuation liée au statut de maternité de référence nationale, que représente notre établissement.
L’échantillon de notre étude était essentiellement composé de femmes jeunes, en pleine période d’activité génitale, avec une prédominance de sujets de 26à 35 ans (50,3%). L’âge moyen était de27,8 ans. Moreira avait retrouvé une moyenne d’âge identique de 27 ans au centre de santé du roi Baudouin de Dakar [4].Kazadi au Cameroun en 2000 et Buambo-Bamanga à Brazzaville avaient retrouvé respectivement 29 ans et 29,8 ans [1,11].Il ressort de notre étude, une proportion élevée de nullipare soit 29,01% suivi des primipares et des paucipares. Buambo-Bamanga a noté que les paucipares et les multipares avec respectivement 19,3% et 49,8% des cas [11] étaient les plus concerné à Brazzaville. Moreira a rapporté une parité moyenne de 2,4 à Dakar [4].Pour de nombreux auteurs, la multiparité et l’âge maternel élevé sont des facteurs de risque dans l’accouchement gémellaire [2]. Selon eux, chez une nullipare, les fœtus se trouvent à l’étroit, avec une perfusion utéro placentaire insuffisante. A contrario, l’utérus de la multipare, suite aux gestations antérieures, a la capacité de s’étoffer davantage [1].
Les patientes concernées par l’étude étaient majoritairement suivies dans les maternités périphériques, dans 77,7% des cas .Dans ces formations sanitaires, les consultations sont assurées par des sages-femmes et les échographies obstétricales ne sont pas systématiquement réalisées dans le cadre du suivi prénatal. Dans notre étude, seulement 30,6% des grossesses gémellaires étaient préalablement diagnostiquées avant le début du travail.Selon Kazadi, 28% des grossesses gémellaires ont été diagnostiquées et prises en charge précocement à Yaoundé [1].Pour Buanba-Bamanga, le terme et le diagnostic de la grossesse gémellaire étaient précis chez 66,2% des cas. Dans l’étude de Moreira, le diagnostic de gémellité était établi pendant le travail dans 45% des cas [4]. Une grossesse gémellaire réclame un suivi particulier, centré sur la prévention de la prématurité, basé sur le diagnostic précoce par l’échographie du type anatomique exact et la réduction de l’activité maternelle au cours du 2e trimestre [2, 13,14].
Nos patientes ont été évacuées dans 69,6% des cas. Ces parturientes sont pour la plupart issues des formations sanitaires urbaines.Le motif d’évacuation dominant était la gémellité dans 30,6%.Cette situation constituait à elle seule. Dans notre contexte africain un haut risque, d’où un motif d’évacuation pour un accouchement en milieu obstétrico-chirurgical.
Dans notre série, le 2ème jumeau était en présentation céphalique dans 60,6 % des cas, en présentations de siège dans 35,2 % et transversale dans 4,2% des cas. Moreira [4], dans une série de 413 cas avait obtenu trois fois plus de présentation transversale pour le 2ème jumeau que pour le 1er jumeau. Le diagnostic précis de la présentation de J2 bien que souvent tardif, reste déterminant pour le pronostic fœtal. L’utilisation d’ocytocique injectable n’a pas été nécessaire dans 91,2% des cas pour l’accouchement du J2.Bien que l’ocytocique puisse permettre de raccourcir l’intervalle entre la naissance des jumeaux selon certains auteurs [16].L’accouchement gémellaire selon certains auteurs doit tenir compte de la morbidité élevée de J2.Aussi, les décisions obstétricales doivent faire l’objet d’un choix éclairé et par un obstétricien expérimenté. Dans notre étude, l’accouchement du J2 s’est fait par voie basse dans 51,3% des cas dont 14% après manœuvre obstétricale et avec une grande extraction du siège réalisée dans 63% des cas. Nous avons réalisé 48,7% de césarienne. Dans sa série, Buanga-Bamanga [11] avait réalisé 17% de césarienne sur J2.A l’opposé, Kouam notait 89,6% d’accouchement par voie basse et Ouattara, 91,1% sur une série de 216 cas d’accouchements gémellaires, dont 9% de manœuvre pour J2 [6, 15].Cette discordance concernant les proportions des césariennes dans notre étude était liée essentiellement à l’association de facteurs morbides chez les patientes évacuées. Selon Dufour, la version par manœuvre interne et la grande extraction du siège permet la naissance rapide de J2 en présentation transversale lorsqu’elle est réalisée à bon escient [17]. Cette manœuvre doit être exécutée au cours d’une expectative armée, par une équipe entrainée, disposant d’un bloc opératoire.Dans notre série, les indications de césarienne étaient dominées par les présentations irrégulières. Il s’agissait le plus souvent de rétention de J2après accouchement d’un 1er jumeau dans une maternité périphérique. Le manque d’expérience de l’accoucheur en serait la cause. Buambo-Bamanga a enregistré 16% de césarienne pour J1 et 17% de césarienne pour J2 dans une série de 275 grossesses[11].Rattan et Coll. [9] rapportent un taux de 6 % de césariennes pour l’extraction du second jumeau ; dans les séries d’Olofsson et Rydhstrom [8], les taux de césariennes sur les deuxièmes jumeaux varient entre 0,3 % et 7 %.
Dans notre étude, on notait 54,9% de naissances entre 34 et 36 semaines d’aménorrhée. Cette proportion de prématurés est retrouvée dans la plupart des études à travers le monde [1, 2,13]. Moreira retrouvait 22% de prématurité dont 8% de grande prématurité, Lokossou notait 69% de prématurité dont 21% entre 28 et 33 SA. Buambo-Bamanga relevait 66% d’accouchement prématurés.
L’intervalle moyen entre la naissance de J1 et de J2 était de 12,3 minutes avec des extrêmes de 1minute et 422 minutes. Ailleurs, Ouattara relevait une moyenne de 25 minutes pour un intervalle extrême de 857 minutes. Selon Kouam, l’intervalle entre les naissances de J1 et de J2 est un facteur important dans le pronostic fœtal du deuxième jumeau [6]. En effet, pour un intervalle supérieur à20 minutes, il a observé 14 cas de décès de J2 contre 8 cas de décès lorsque l’intervalle était inférieur à 20 minutes, dans une série de 265 cas colligés entre 1982 et 1993. L’intervalle de temps au cours duquel le deuxième jumeau doit être extrait est diversement apprécié dans la littérature. C’est ainsi qu’il varie de 5 à30 minutes selon les auteurs [16,18]. Pour certains auteurs [13] il n’y a aucune différence de mortalité fœtale entre la naissance du premier et celle du J2 lorsque l’intervalle de temps est supérieur à 15 minutes. Rayburn [19] fait le même constat, mais note un taux élevé de césariennes pour l’extraction du J2 en cas de délai prolongé.
Il existe des controverses quant à la meilleure voie d’accouchement des grossesses gémellaires [4].Au cours de notre étude, il a été observé 18 cas de décès fœtaux chez les J2, dont 2 en cours d’hospitalisation soit 9,3% des J2. Ce qui équivaut à un taux de mortalité néonatale de 93 pour 1000.A la 5e minute de vie, plus de ¾ des J2 (79,3%) avaient un état neurologique satisfaisant. Ainsi 31 nouveau-nés soit 16,1% ont bénéficié d’une réanimation néonatale et 83 nouveau-nés soit 43% ont été transférés en néonatalogie. A Dakar, Moreira retrouvait 7,86% de mauvais APGAR après 5 minutes [4].Le taux élevé de mortalité fœtale en cas d’accouchements gémellaires varie actuellement entre 4,2 % et 33,8 % selon les auteurs [16, 20]. Il est aussi corrélé aux taux élevés de mortalité fœtale relevés dans le groupe de deuxièmes jumeaux [16, 20]. Dans notre échantillon, outre les 18 décès péri-partum, la majorité des J2 évacués en pédiatrie l’était pour cause de prématurité (51,8%), suivie du mauvais score d’APGAR (34,9%). On notait également 1 cas de fracture du fémur après une manœuvre obstétricale. Les auteurs africains retrouvaient constamment une surmortalité du j2 en comparaison du J1 ; Kouam (8,3%), Ouattara (14,6%), et Buanga-Bamanga (21,4% de mortalité néonatale pour J2) [6, 8,11].Selon ces auteurs la prématurité restait un facteur aggravant le pronostic néonatal.
Les accouchements gémellaires doivent être considérés comme des accouchements à risque. Un des objectifs est d’éviter la césarienne sur le deuxième jumeau et des manœuvres obstétricales considérées comme traumatisantes. Le taux de mortalité fœtale intra-partum du J2 est un indicateur de qualité des soins qui doit constamment nous obliger à revoir nos méthodes de surveillance et de prise en charge du travail d’accouchement en cas de grossesse gémellaire. L’enseignement des manœuvres obstétricales aux internes, reste une priorité pour améliorer le pronostic fœtal du deuxième jumeau.