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août 2014, par
, , , , , ,Auteur correspondant : Mandji Lawson JM. Emailmandji chez live.fr
Utilisé pour la première fois en 1906, pour traiter la crise d’éclampsie, le sulfate de magnésium est devenu le traitement de référence de cette pathologie [1]. Il a été proposé tant dans le traitement et la prévention de la pré-éclampsie(PE) et la crise d’éclampsie, que comme tocolytique [2].
Le but de cette étude a été d’évaluer l’efficacité du sulfate de magnésium dans la prévention primaire et secondaire de la crise d’éclampsie à la maternité de l’hôpital d’instruction des armées de Libreville.
L’étude a été réalisée de manière prospective sur 34 mois, du premier juin 2008 au 31 mars 2011. La population étudiée était constituée de parturientes admises pour prise en charge d’une PE sévère (hypertension artérielle(HTA) supérieure ou égale à 160/110 mmHg) et/ou une éclampsie (crises convulsives en péripartum chez une femme dont les antécédents et l’examen ne révélaient aucune autre cause de convulsion). Dès l’installation de la patiente, un moniteur permettait la surveillance continue de la pression artérielle et de la fréquence cardiaque. Le protocole utilisé, comportait une dose de charge de sulfate de magnésium de 4,5 g en perfusion de vingt minutes suivi d’une dose d’entretien de 1-2 g par heure. Les paramètres étudiés étaient : l’âge, la parité, le mode d’accouchement, les chiffres tensionnels, l’état neurologique, la survenue ou la récidive d’une crise d’éclampsie et l’état materno-fœtal à l’issue. Après l’accouchement, les patientes étaient admises en réanimation pour quarante-huit heures de surveillance. Les effets secondaires liés à la perfusion du sulfate de magnésium (abolition des réflexes ostéo-tendineux, diurèse inférieure à 100 mL en 4 heures, dépression et/ou arrêt respiratoire) ont été notés.
Durant la période considérée, 142 cas de PE sévère ont été hospitalisés à la maternité de l’hôpital sur un nombre total de 1880 accouchements dont 1875 naissances vivantes. Sur les 142 cas de PE sévère, nous avons exclus 19 dossiers incomplets soit 123 dossiers retenus. L’âge moyen des patientes étaient de 26 ± 4 ans (extrêmes : 14-43 ans). On notait une prédominance de primipares (70 cas) et une prédominance de l’accouchement par césarienne (91 cas). L’HTA était permanente avec une pression artérielle systolique moyenne de 170±21 mmHg (extrêmes : 140 et 260 mmHg) et une diastolique moyenne de 110±11 mmHg (extrêmes : 90-165 mmHg). Sur les 123 patientes étudiées, 25 avaient déjà eu au moins une crise convulsive avant leur admission à la maternité et elles ont toutes présenté des troubles de la conscience à l’admission avec un score de Glasgow moyen à 9±2,1 (extrêmes : 5-14).
Au plan thérapeutique, toutes les 123 patientes ont bénéficié de l’administration de sulfate de magnésium pour la prévention ou la récidive d’une crise d’éclampsie. Il a été administré en prévention d’une crise d’éclampsie (prévention primaire) dans 71 cas (58 %) et en prévention d’une récidive de la crise d’éclampsie (prévention secondaire) dans 52 cas (42 %). Il n’y a eu aucun cas de crise d’éclampsie en prévention primaire et 4 cas de récidive de crise d’éclampsie en prévention secondaire soit 8 %. Le traitement de l’HTA comprenait l’administration de nicardipine à la seringue électrique (100 % des cas) éventuellement associée au labétalol (60 % des cas). Quatre (4) patientes sont décédées, soit une létalité de 3%. Les causes de décès maternel sont 2 cas de HELLP syndrome et 2 cas de syndrome de défaillance multiviscérale. Par ailleurs nous avons noté 15 cas de mortalité infantile (12 %), tous survenus chez des patientes ayant eu une crise d’éclampsie avant leur admission à l’hôpital. Nous n’avons noté aucun effet indésirable lié à l’utilisation du sulfate de magnésium.
Dans notre étude, le sulfate de magnésium a montré son efficacité dans la prévention primaire et secondaire de la crise d’éclampsie. En effet nous n’avons observé aucune crise d’éclampsie chez toutes les patientes pré-éclamptiques qui l’ont reçu en prévention d’une crise d’éclampsie et 8% des patientes avec crises d’éclampsie au préalable de leur hospitalisation ont récidivé. Ce résultat peut s’expliquer d’une part, par le fait que ces récidives sont toutes survenues chez des femmes ayant déjà convulsé (nombre de crises inconnu) et qui peuvent se compliquer d’un état de mal convulsif. D’autre part il n’est pas exclu que ces patientes aient été sous dosées en sulfate de magnésium du fait d’une mauvaise adaptation du débit médicamenteux bien que nous n’avons pas dosé systématiquement la magnésémie de toutes nos patientes. Un perfuseur bouché par un reflux sanguin veineux ou coudé par une malposition du bras maternel, peuvent constituer des dysfonctionnements limitant le débit de perfusion du produit. Cette efficacité du sulfate de magnésium est constatée dans la littérature où il est clairement établi que le sulfate de magnésium est le traitement de référence de la crise d’éclampsie [2-5].
En rappel pharmacologique, le magnésium est un ion principalement intracellulaire, dont la concentration extracellulaire module les propriétés membranaires des cellules excitables (neurones, myocites vasculaires, cardiaques ou musculaires). Il bloque les canaux calciques voltage-dépendant de type L et T, les canaux sodiques et potassiques ainsi que les échangeurs transmembranaires sodium/calcium. Le blocage des canaux calciques par compétition avec l’ion calcium semble être le mécanisme des effets vasodilatateurs du sulfate de magnésium. L’effet neurologique (anti-comitial propre) peut s’expliquer par le fait que le magnésium conditionne l’ouverture de récepteurs aux acides aminés excitateurs de type NMDA, en bloquant le canal ionique au niveau des neurones [6]. Les effets secondaires maternels sont aux doses thérapeutiques : nausées, sensations de chaleur, somnolence, diplopie, asthénie et troubles de l’élocution. A fortes doses, il abaisse de 20% la force inspiratoire et expiratoire. La disparition des réflexes rotuliens est un signe de surdosage. Des accidents graves à type tétraparésie avec dépression respiratoire ont été rapportés, toujours en raison d’erreurs de dosage ou de vitesse de perfusion excessive [7]. La myasthénie et l’insuffisance respiratoire sont des contre-indications au traitement. L’association aux inhibiteurs calciques potentialise ces effets et nécessite une surveillance accrue. On peut observer un effet antiagrégant plaquettaire avec allongement du temps de saignement en cas de fortes posologies [8]. Quant aux effets fœtaux, on note sur la perfusion utéroplacentaire, une augmentation bénéfique du débit sanguin. L’hypermagnésémie peut déprimer la transmission neuromusculaire chez le nouveau-né, avec hyporéflexie, asthénie voire dépression respiratoire. Le sulfate de magnésium induit une hypocalcémie maternofoetale modérée. Au plan thérapeutique, les concentrations recommandées sont globalement entre 2 et 4 mmol/l, le maintien de tels taux nécessitant une dose de charge suivie d’une administration continue. Une surveillance clinique à la recherche d’éventuel surdosage est suffisante : il faut que la fréquence respiratoire soit supérieure à 14 cycles/min, que la diurèse dépasse 25ml/h et que les réflexes rotuliens soient conservés. En cas de surdosage, il faut arrêter la perfusion et injecter 1 g de gluconate de calcium.
Le sulfate de magnésium est donc efficace dans la prévention et le traitement de l’éclampsie. Par ailleurs, son coût extrêmement faible en fait le médicament de choix à l’échelle mondiale [9-11]. Malheureusement, ce médicament est difficilement disponible dans de nombreux pays africains francophones, notamment au Gabon, alors qu’il est très utilisé dans les pays anglo-saxons. En effet son introduction au Gabon est récente (2007) d’où une certaine réticence à sa vulgarisation. Nous lançons un plaidoyer pour une utilisation large du sulfate de magnésium par tous les intervenants dans la prise en charge de la PE (gynécologues-obstétriciens, anesthésistes-réanimateurs, sages-femmes).
Le sulfate de magnésium est le traitement de référence dans la prévention et le traitement de l’éclampsie. Nous préconisons qu’il devienne aussi le traitement de choix de cette pathologie au sein de toutes les unités obstétricales du Gabon, ce qui concourrait à une amélioration de la qualité des soins et partant à réduire considérablement la mortalité materno-fœtale.
1. Conférences d’experts de la SFAR. Eclampsie. Pharmacologie clinique du sulfate de magnésium. In : SFAR, ed. Réanimation des formes graves de pré-éclampsie. Paris, Elsevier, 2000:107-28.
2. Duley L, Johanson R. Magnesium sulphate for pre-eclampsia and eclampsia : the evidence so far. Br J Obstet Gynaecol, 1994 ; 101:565-7.
3. Wee L, Sinha P, Lewis M. The management of eclampsia by obstetric anaesthetists in United-Kingdom : a postal survey. Int J Obstet Anaesth, 2001 ; 10 : 108-12.
4. Boughrara E, Hajjej Z, Belhaj N. Anesthésie-réanimation des formes graves de la preeclampsia : le point en 2006 ; J Magh A Réa Méd Urg 2006 ; 13 : 290-96.
5. Duley L, Henderson-Smart DJ, Walker GJ, Chou D. Le sulfate de magnesium par rapport au diazepam pour l’éclampsie. Cochrane Database Syst Rev 2010 ; 8 : CD000127.
6. Bazin JE. Faut-il utiliser le sulfate de magnésium en obstétrique ? Le Praticien en Anesthésie Réanimation. 2002 ; 6 : 451-54.
7. Coetzee EJ, Dommisse J, Anthony J. A randomized controlled trial of intra-venous magnesium sulphate versus placebo in the management of women with the severe pre-eclampsia. Br J Obstet Gynaecol, 1998 ; 105 : 300-03.
8. Harnett MJ, Datta S, Bhavani-Shankar K. The effect of magnesium on coagulation in parturients with preeclampsia. Anesth Analg, 2001 ; 92 : 1257-260.
9. Sheth SS, Chalmers I. Magnesium for preventing and treating eclampsia : time for international action. The Lancet, 2002 ; 359 : 1872-73.
10. Adewole IF, Oladokun A, Okewole AI et al. Magnesium sulphate for treatement of eclampsia : the Nigerian experience. Afr J med SCI, 2000 ; 29 : 249-41.
11. Muganyizi PS, Shagdara MS. Predictors of extra care among magnesium sulphate treated eclamptic patients at Muhimbili National Hospital, Tanzania. BMC Pregnancy Childbirth, 2011 ; 3 ; 11 : 41.