Prise en charge périopératoire de la maladie de Von Willebrand de type 1. A propos d’un cas

Management perioperative of Von Willebrand’s disease type 1. a case report

janvier 2014, par Boukatta B. , Alilou M. , Awab A. , El Mansouri D. , Kouskous A. , Moussaoui R. , El Hijri A , Azzouzi A.

Auteur correspondant : Boukatta Brahim. Email : boukatta chez yahoo.fr


Résumé

La maladie de Von Willebrand, est la plus fréquente des anomalies constitutionnelles de l’hémostase avec une prévalence estimée à 1%. Elle est liée à une anomalie soit quantitative, soit qualitative, du facteur Von Willebrand. Le risque hémorragique est variable selon la sévérité de l’atteinte. Il existe trois principaux types de maladies de Von Willebrand. Le type 1 est associé à une diminution modérée du facteur Von Willebrand. L’objectif principal de la prise en charge périopératoire d’un patient souffrant de cette maladie est la prévention de l’hémorragie. La desmopressine est une analogue synthétique de la vasopressine, elle induit une libération de VWF et du facteur VIII à partir des compartiments cellulaires. Elle constitue le traitement de choix dans la forme modérée. Nous rapportons le cas d’un jeune patient de 32 ans, porteur de la maladie de Von Willebrand de type 1, ayant bénéficié d’une cure chirurgicale d’une fistule anale sous anesthésie générale. En périopératoire, le patient a reçu en injection intraveineuse de la desmopressine à raison de 0,3ug/kg une heure avant et 12 heures après l’intervention avec des suites opératoires simples. Le patient a quitté l’hôpital trois jours après l’intervention.
Mots clés : Maladie de Willebrand ; Saignement ; Hémostase ; Desmopressine.

Summary


Von Willebrand disease (vWD) is the most commonly inherited coagulopathie, resulting in a deficiency that may prolong bleeding time and increase risk for major bleeding complications during surgery. The prevalence is estimated at 1%. There are 3 primary types of vWD. Type 1 is associated with mildely decreased levels of Von Willebrand factor (vWF).
The goal of perioperative management of the patient with this disease is to reduce the risk of perioperative bleeding. Desmopressin, a synthetic vasopressin analog, is able to enhance the levels of vWF primarily by enhancing release from endothelial stores. It’s most effective in type 1of vWD. We report a case of a 32-year-old male patient with vWD type1. The patient was surgical treated for anal fistula under general anesthesia. Desmopressine was administrated at dose of 0.3µg/kg one hour before surgery and 12 hours after.The surgical course was uneventful. The patient left hospital 3 days after the procedure.
Keywords : Von Willebrand disease ; Bleeding ; Hemostasis ; Desmopressin.

Introduction

La maladie de Von Willebrand, est la plus fréquente des anomalies constitutionnelles de l’hémostase avec une prévalence estimée à 1%. Elle est liée à une anomalie soit quantitative, soit qualitative, du facteur Willebrand (VWF) [1,2,3]. Le risque hémorragique est variable selon la sévérité de l’atteinte [4]. La prise en charge périopératoire d’un patient souffrant de cette maladie a pour objectif fondamental de prévenir l’hémorragie ou de l’arrêter.
Nous rapportons le cas d’un patient porteur de maladie de Von Willebrand de type 1, ayant bénéficié d’une cure chirurgicale de fistule anale à l’hôpital Avicenne au CHU Ibn Sina de Rabat.

Observation :

Un patient de 32 ans, a consulté pour la cure chirurgicale d’une récidive de fistule anale. Dans ses antécédents, on retrouvait une maladie de Von Willebrand de type 1. Celle-ci a été découverte à la suite d’une intervention pour la même pathologie. En effet, le patient a été opéré, deux ans auparavant pour fistule anale sous une anesthésie générale. Les suites opératoires ont été marquées par la survenue, le lendemain de l’intervention, d’un saignement localisé au niveau de la région anale. Une réintervention pour hémostase chirurgicale a été nécessaire le 3éme jour postopératoire. L’évolution a été marquée par la persistance d’un saignement de faible abondance.
Devant ce tableau clinique, un bilan d’hémostase a été demandé. Il a relevé les données suivantes :
• Un temps de céphaline + activateur (TCA) à 50 secondes pour un témoin de 30
secondes.
• Un taux de prothrombine (TP) à 76%.
• Un taux de fibrinogène à 3,2g/l.
• Un taux de plaquettes à 277000 éléments/mm³.
• Un temps de saignement (TS) selon la méthode d’Ivy trois points à 12 minutes et 20 Secondes.
Devant ces résultats, un bilan d’hémostase de seconde intention a été réalisé. Il a objectivé un taux de facteur VIII à 17%, une activité du cofacteur de la ristocétine du VWF (VWF : RCo) à 12% et le Willebrand antigène (VWF : Ag) à 12%. Ces résultats étaient compatibles avec une maladie de Willebrand de type 1.
L’examen préanesthésique du patient ne montrait pas de particularités, en dehors des saignements cutanéo-muqueux facilement provoqués (gingivorragies et ecchymoses). Le bilan d’hémostase de contrôle, réalisé en préopératoire, retrouvait, un TCA allongé (48 secondes/30secondes) avec un TS à 10 minutes.
Le patient a bénéficié de la cure chirurgicale de la fistule anale sous anesthésie générale. En périopératoire, ce patient a reçu une injection intraveineuse de desmopressine (d- amino-d- arginine- vasopressine) à raison de 0,3ug/kg une heure avant et 12 heures après l’intervention. Les suites opératoires étaient simples et le patient a quitté la structure trois jours après l’intervention.

Discussion

La maladie de Von Willebrand a été décrite pour la première fois en 1926 par Erick Von Willebrand, elle est liée à une anomalie soit quantitative, soit qualitative, du facteur Willebrand (VWF).
Le VWF est une protéine synthétisé par deux types cellulaires : les cellules endothéliales et les mégacaryocytes [5,6,7]. Son rôle dans l’hémostase est double, grâce à des sites de liaison spécifiques, il permet l’adhésion et l’agrégation plaquettaire en formant d’une part un pont moléculaire entre les plaquettes et la paroi vasculaire lésée, d’autre part entre les plaquettes elles-mêmes. Le VWF assure le transport du facteur VIII au site de la lésion vasculaire et il le protége d’une dégradation enzymatique. Tout changement du taux de VWF s’accompagne généralement d’une variation parallèle du taux de facteur VIII dans la circulation [1,8]. On reconnaît trois grands types de la maladie de Willebrand : le type 1, où le déficit est quantitatif en VWF, le type 2 regroupe des anomalies qualitatives du VWF souvent associé à un déficit de sa structure multimérique, le type 3 est caractérisé par des taux extrêmement bas ou indétectables de VWF dans le plasma, les plaquettes, les cellules endothéliales et un déficit en facteur VIII [4,9]. Comme pour toutes les anomalies de l’hémostase primaire, la symptomatologie hémorragique est essentiellement cutanéomuqueuse (épistaxis, gingivorragies, ménorragies, hémorragies amygdalienne ou gastrointestinale, ecchymoses). Les manifestations cliniques peuvent être soit spontanées, soit provoquées par un traumatisme (avulsion dentaire, acte chirurgical) même minime. Les formes frustes sont volontiers révélées à l’apparition des règles, lors d’un bilan d’hémostase systématique ou à l’occasion d’actes opératoires [1, 2,3]. Ce fut le cas, de notre observation, puisque la maladie a été découverte à l’occasion d’une cure chirurgicale de la fistule anale. Le bilan a permis d’identifier la maladie de Willebrand de type 1.La maladie de Willebrand de type 1 est la forme la plus fréquente (50 à 70%) et la plus difficile à diagnostiquer, surtout chez les sujets de groupe O. Elle se transmet selon un mode autosomique, dominant. Il s’agit d’un déficit quantitatif partiel en VWF (10 à 50%), et on retrouve une réduction parallèle dans le plasma des taux de VWF : Ag et de VWF : RCo avec un rapport VWF : RCo/ VWF : Ag > 0,7. Dans cette forme, la réponse thérapeutique à la desmopressine (dDAVP) est généralement bonne [1,2,10,11,12]. La dDAVP (d-amino-d-arginine-vasopressine), est une analogue synthétique de la vasopressine, elle induit une libération de VWF et du facteur VIII à partir des compartiments cellulaires. Elle est disponible sous deux formes d’administration : intraveineuse et intranasale, cette dernière est surtout utilisée pour le traitement à domicile des saignements menstruels ou des saignements minimes. Elle présente comme avantage par rapport au traitement substitutif, un coût faible et sans risque de transmission virale ou d’agents non conventionnels [1, 2,7,13,14]. La desmopressine est efficace dans le traitement ou la prévention des épisodes hémorragiques lors de certains actes chirurgicaux chez presque tous les sujets porteur de la maladie de Von Willebrand de type 1. Toutefois avant son utilisation thérapeutique, une étude de la réponse doit être réalisée, lors du diagnostic ou au moins une semaine avant une chirurgie, afin de déterminer si la correction de l’hémostase est suffisante après son administration. La correction du TS est brève. L’efficacité est attestée par une multiplication par 3 à 5 des taux de base de VWF et de facteur de VIII. L’injection peut être répétée toutes les 12 à 24 heures en fonction de la situation clinique. L’observation rapportée illustre bien l’efficacité de la desmopressine en périopératoire, une réinjection itérative n’a pas été jugée nécessaire, devant l’évolution postopératoire favorable et l’absence d’hémorragie.

Conclusion

La maladie de Von Willebrand est la plus fréquente des maladies constitutionnelles de l’hémostase. Le risque hémorragique est variable selon la sévérité de l’atteinte. La prise en charge périopératoire nécessite une collaboration étroite entre chirurgien, hémobiologiste et anesthésiste-réanimateur. La desmopressine constitue un traitement de choix dans la forme modérée, en raison de son coût faible et de l’absence de risque de transmission virale ou d’agents non conventionnels

Références

1. Marc Trossaërt, maladie de Willebrand. hémorragies et thromboses, Masson 2009, 39-52.
2. Cherkaoui S, Laalaoui A, Faiz S, Benchemsi N. Maladie de Von Willebrand et grossesse : à propos d’un cas. Transfusion clinique et biologique 2007 ; 14 : 474-480.
3. Borel-Derlon A. Les médicaments de l’hémostase en urgence périopératoire : Ann Fr Anesth Reanim 1998 ; 17:10-14.
4. Pommier C, Perrin C, Dorne R : Hémopéritoine et grossesse chez une patiente atteinte de la maladie de Von Willebrand de type 3. Ann Fr Anesth Reanim. 2002 ; 21 : 436-39.
5. Guermazi S, Conard J, Samama MM, Dellagi K. Maladie de Willebrand de type 2B et Pseudomaladie de Willebrand de type 2B ; à propos de trois observations. Pathologie Biologie 2005.
6. Rothschild C. Maladie de Willebrand. Transfus Clin Biol 1998 ; 5 : 357- 61.
7. Clapson P, Bordier E, Grosser L : gestion périopératoire d’un patient porteur d’un syndrome de Von Willebrand acquis. : Ann Fr Anesth Reanim. 2008 ; 27 : 86-89.
8. Biron C, Mahieu B, Rochette A, Capdevila X, Castex A. Preoperative screening for Von willebrand disease type 1 : Low yield and limited ability to predict bleeding. J Lab Clin Med 1999 ; 134:605-609.
9. Borel-Derlon. Quelles stratégies thérapeutiques périopératoires dans les maladies constitutionnelles de l’hémostase ? Ann Fr Anesth Reanim 1998 ; 17 (suppl):10s -3s.
10. Heather S. Lipkind, Jonathon D. Kurtis, Raymond Powrie, Marshall W. Carpenter. Acquired von Willebrand disease : management of labor and delivery with intravenous dexamethasone, continuous factor concentrate, and immunoglobulin infusion. American Journal of Obstetrics and Gynecology 2005 ; 192:2067-70
11. Johnson LH, Gittelman M. Management of Bleeding Diathesis : A Case-Based Approach. Clinical Pediatric Emergency Medicine 2005 ; 6 : 149-155.
12. Saurabh B S, Anil KL, Marion A. Perioperative management of Von Willebrand’s disease in otolaryngologic surgery. Laryncoscope.1998 ; 108 : 32 - 36.
13. Mannuccio MP, Augusto B. Management of inherited Von Willebrand disease. Best Practice and Research Clinical Haematology.2001, 14 : 455- 62.
14. VJ Martlew. Peri-operative management of patients with coagulation disorders.British Journal of Anaesthesia. 2000 ; 85 : 446-55.
15. JT Wilde, RJ Cook. Von Willebrand disease and its management in oral and maxillofacial surgery. British J. Oral and Maxillofacial surg. 1998 ; 36 : 112-18.
16. Ross Baker. Pre-operative hemostatic assessment and management. Transfusion and Apheresis Science. 2002 ; 27 : 45-53.
17. Evan.G. Perioperative Use of the Thrombo-elastograph in Patients with Inherited Bleeding Disorders. Journal of Clinical Anesthesie 2003 ; 15 : 366-70.

La vie de l'Anesthésie

rechercher sur le site de la SARAF

Recherches


Pour rendre vos recherches plus faciles