Introduction
La pratique de l’analgésie obstétricale n’est pas répandue en Côte d’ivoire. On enregistre quelques cas isolés dans les formations sanitaires privées du pays.
L’objectif de cette étude était de rechercher les raisons de cette faible pratique, et en particulier le niveau d’adhésion des parturientes.
Matériels et méthodes
Il s’agissait d’une étude réalisée en deux phase avec un volet rétrospectif et l’autre prospectif.
L’étude rétrospective a porté sur 76 dossiers complets des parturientes accouchées sous anesthésie péridurale dans une formation privée de référence : la PISAM (Polycliniques Internationale Sainte Marie) d’Abidjan, sur trois années d’exercice (2000 à 2002).
L’étude prospective était menée dans les CHU d’Abidjan, du 1er Mars au 31 Mai 2006. Elle a inclus 75 parturientes (25 par CHU) ayant accepté de se prêter à l’enquête d’opinion, plus précisément les 25 premières parturientes admises dans chaque site de recrutement selon la méthode de l’échantillonnage raisonné.
Les paramètres étudiés étaient : l’âge, le niveau scolaire, la profession, le niveau économique, le niveau d’information sur l’analgésie obstétricale et l’adhésion (avant et après explication).
Les résultats ont été validés par le test t de Student Fischer et le test du X2, avec un seuil de signification à 5%.
Les Résultats
Etude rétrospective
Sur un total de 1293 accouchements réalisés à la PISAM, 76 ont été pratiqués sous APD soit un taux de prévalence de 6 %. Ces parturientes avaient un âge moyen de 29,5±4,83 ans, avec une tranche majoritaire de 30 à 35 ans. Elles étaient d’origine européenne (62,5% des cas), africaine (18%), asiatique (16,5%) et américaine (3%).
Le niveau économique était un niveau élevé (87,5%) et moyen (11%). Ces parturientes étaient des primipares (36 %) et des seconds-pares (37,5%). Les multipares ont été retrouvées dans 26,5% des cas.
Etude prospective (EP)
75 parturientes ont accepté de se prêter à l’enquête d’opinion. L’âge moyen de 28,7 ± 6,33 ans (avec des extrêmes de 14 et 39 ans). La tranche d’âge moyen était comprise entre 30 et 35 ans. Elles étaient d’origine essentiellement africaine, dont 85% d’ivoiriennes. Le niveau scolaire prédominant était universitaire avec 33% des cas.
Concernant le niveau de connaissance : seulement 33% avaient une information contre 67%. La source de cette connaissance se répartit en origines : médicale (16%), médiatique (40%) et tiers (44% surtout des amies). L’adhésion avant explication est de 51% contre de refus et 28% d’indécises.
Les raisons du refus concernaient la maîtrise de la douleur (40 %), les effets indésirables (26,67%), le surcoût financier (20%), la « nouveauté » de la technique (13,33 %).
Les paramètres influençant cette adhésion sont mentionnés au tableau III
Discussion
La douleur est presque toujours associée à l’accouchement. Le travail peut durer jusqu’à 15 heures sur des contractions utérines plus ou moins fréquentes voire subintrantes, avec distension ou dilacération de la filière génito-pelvienne. Cette douleur est considérée comme sévère ou intolérable par les deux tiers des parturientes [2]. Elle peut causer une perturbation des grandes fonctions chez la mère [3]. Un épuisement physique peut intervenir avant la phase expulsive, où doivent se concentrer tous les efforts de la parturiente. Il devient plus licite de recourir aux méthodes d’analgésie obstétricale [1,5]. L’acceptabilité, par une enquête d’opinion chez de futures parturientes : des gestantes venues en consultation prénatales. L’étude rétrospective a inclus la période de 2000 à 2002, c’est-à-dire la période avant la crise socio-politique et militaire où beaucoup d’expatriés vivaient an Côte d’Ivoire. On remarque alors que les africaines, (et donc les ivoiriens) ne sont pas très demandeuses (18%) contrairement aux européennes (62,5%), pour une prévalence globale de 6 % (76 APD sur 1293 accouchements à la PISAM). L’étude prospective (mars à mai 2006), s’est focalisée sur la population qui fréquente les hôpitaux publics. Il s’agit d’africaines essentiellement, dont 85 % d’ivoiriennes. L’échantillonnage était aléatoire, prenant en compte les 25 premières gestantes venues en consultation prénatale, dans chaque CHU. Le recrutement apparaît assez sélectif puisque la grande majorité des gestantes ne vient pas consulter dans un CHU, mais plutôt dans les maternités et les centres de protection maternelle et infantile existant dans tout le pays. Mais malgré l’apparente sélectivité de la population étudiée (33% d’universitaires), le niveau de connaissance sur l’analgésie obstétricale est faible (33%), et l’adhésion n’est que de 51%. Les explications et informations fournies par les investigateurs n’ont influencé que très faiblement le taux initial d’acceptabilité de la méthode, réduisant le nombre de refus francs, de 28 à 20%, au bénéfice des sujets indécis, qui passent de 21 à 28%. C’est dire que cette acceptabilité est en définitive multifactorielle. Ainsi, le niveau scolaire et donc le niveau de culture générale l’influencent significativement, de même que le niveau professionnel (social et économique), mais aussi et surtout la gestité et la parité. Les Primipares (36 %) et les second-pares (37,5 %) sont plus demandeuses que les multipares (26,5 %). Ces mêmes constants sont faits par d’autres auteurs [6,7,8]. Le facteur âge doit être également considéré. L’âge des 2 populations étudiées est semblable 28,7 et 29,5 ans. Cet âge semble élevé quand on sait que les multipares ne représentaient que 26,5 % (ER) et 32 ,20 % (EP) de l’effectif. La tranche d’âge plus concernée de 30-35 ans est retrouvée par d’autres auteurs (4,5,7). Il s’agit donc de femmes assez mûres pour prendre des décisions également muries. Les refus francs de 20% en définitive, avaient pour raisons pertinentes : la peur des effets secondaires et la nouveauté de la technique peu répandue en Côte d’Ivoire [4]. Elles interpellent les médecins en Anesthésie-Réanimation sur la nécessité d’un renforcement de capacité en vue d’une réelle maîtrise des techniques d’analgésie obstétricale par la plupart des praticiens, gage d’un plus grand intérêt auprès de la population féminine.
Conclusion
La pratique de l’analgésie obstétricale n’est pas courante en Côte d’Ivoire. La demande des parturientes est influencée par la nationalité d’origine, la culture (niveau d’études et d’information), la gestité, la parité et le niveau économique du couple. Les informations et explications apportées par le médecin anesthésiste confortent les volontaires, mais elles améliorent très faiblement l’adhésion initiale des gestantes, et l’acceptation de l’analgésie obstétricale. En plus des explications, les anesthésistes gagneraient donc à convaincre par une réelle maîtrise des méthodes d’analgésie obstétricale
Références
1. Barrier G La nature de la demande d’analgésie obstétricale, les entretiens de Tenon, Arnette Paris, 19870, 139-142
2. Benhamou D. Anesthésie obstétricale Précis d’Anesth.Réan. Chir.Flammarion 1990, 436-462
3. Bonica JJ. Pain of partirution. Clin. Anesthésiol, 1986, 4,1 -31
4. Fosso WS la pratique de l’analgésie péridurale pour accouchement par voie basse en Côte d’Ivoire. Thèse Abidjan 2001, 136 pp
5. Gnizako E L’intérêt de l’analgésie péridurale dans la pratique obstétricale. Thèse Abidjan 2003 : 107 pages.
6. Palot M, Chale JJ et Col. Anesthésies et analgésies pratiquées dans les maternités françaises. Ann. Fr. Anesth. Réanim. 1998 ; 9, 210-19.
7. Palot M, Leymarie et Col. Demande d’analgésie périmédullaire par les patientes et les équipes obstétricales dans quatre régions françaises. Aprtie I : demande d’analgésie. Ann. Fr. Anesth. Réanim. 2006 ; 25 ; 6 : 559-68
8. Ranta P, Spalding Met Col. Maternal expectations and experiences of labour pain-options of 1091 finish parturients. Acta Anesthesiol. Scand. 1995 ; 39 6066