Profil épidémiologique des patients admis au service de réanimation de l’Hôpital National de Niamey- Niger

Epidemiological aspects of patients admitted in the intensive care unit of Niamey National Hospital.

octobre 2014, par Daddy H , Adehossi E , Gagara M , Bako Maiga A F , Foumakoye Gado A , Sani R , Sanoussi S

Auteur correspondant : Chaïbou Maman Sani. Email : chaibou_msani chez yahoo.fr

Résumé

Objectif : Analyser le profil épidémiologique des patients admis au service de réanimation de l’Hôpital National de Niamey.
Patients et méthodes : Il s’agissait d’une étude rétrospective réalisée du 1er Janvier 2010 au 31 Décembre 2013. Ont été inclus tous les patients admis au service de réanimation de l’Hôpital National de Niamey. Les variables suivantes ont été analysées : la fréquence, l’âge, le sexe, la provenance, les aspects cliniques, paracliniques, thérapeutiques et l’évolution.
Résultats : La série comportait 1157 patients. L’âge moyen était de 34,63 +/- 23,37 ans avec des extrêmes de 6 mois et 103 ans. On note une prédominance masculine avec un sex-ratio de 1,6. Les motifs d’admission étaient dominés par les patients nécessitant une prise en charge post opératoire spécifique avec 58,77% des cas, suivies des pathologies traumatiques 14,60% et des pathologies neurologiques 9,93%. Les détresses vitales étaient cardiovasculaires dans 4,49% des cas, respiratoires dans 2,85%. 9,24% des patients avaient une association de détresses. Tous les patients ont bénéficié d’une analgésie ; 84,35% d’une antibiothérapie ; 75,28% d’une sédation et 5,79% de vasopresseurs. La durée d’hospitalisation moyenne était de 4,45 jours. Le taux de décès était de 28,34%.
Conclusion : De cette étude il ressort, la majorité des patients était des suites post opératoires ou des traumatisés. L’amélioration de la prise en charge passe par l’équipement adéquat du service et la formation continue du personnel.
Mots clés : Epidémiologie, Réanimation, Hôpital National de Niamey.

Summary.

Objective : The aim of this study was to analyze the epidemiological aspects of patients admitted in the intensive care unit of Niamey National Hospital.
Patients and methods : A retrospective study was conducted in the Intensive Care unit of the Niamey National Hospital from January 1st, 2010 to December 31th, 2013. Data collected included : age, sex, provenance, clinical, paraclinicals and therapeutics aspects, and the outcome of patient
Results : The series included 1157 patients. The mean age was 34.63 +/- 23.37 years with extremes of 6 months and 103 years. A male predominance is noted with a sex ratio of 1.6. The reasons of admission were dominated by post-operative monitoring with (58.77%) cases, followed by traumatic pathologies (14.60%) and neurological diseases (9.93%). Vital distresses were marked by cardiovascular distress (4.49%), respiratory (2.85%) association of distress (9.24%). All patients received multimodal analgesia ; 84.35% an antibiotic drug ; 75.28% we been sedative they used vasopressors in 5.79% of cases. The average duration of hospitalization was 4.45 days. The death rate was 28.34%.
Conclusion : This study takes out young patients. The reasons of admission were postoperative surveillance. Improving care requires adequate equipment, continuous training of staff.
Keywords : Epidemiology, Intensive care unit, Niamey National Hospital.

Introduction

La réanimation, qu’elle soit médicale ou chirurgicale a pour but de faire face à des situations potentiellement réversibles. Les services de réanimation polyvalente assure comme mission la prise en charge des patients présentant ou susceptibles de présenter une ou plusieurs détresses vitales. Les progrès en médecine de ces dernières années permettent désormais de maintenir en vie pendant des semaines voire des mois, des patients qui auraient autrefois été en phase terminale. L’objectif de notre étude est d’analyser le profil épidémiologique des patients admis en réanimation de l’Hôpital National de Niamey (HNN).

Matériels et méthode

Il s’agit d’une étude rétrospective réalisée à l’Hôpital National de Niamey (HNN) du 1er Janvier 2010 au 31 Décembre 2013, soit quatre ans. Ont été inclus tous les patients admis en réanimation pendant la période d’étude. Les variables suivantes ont été analysées : l’âge, le sexe, la provenance, les aspects cliniques, paracliniques, thérapeutiques et l’évolution. Les données ont été traitées et analysées par les logiciels Word 2007 et Epi info version 3.5.4

Résultats

Notre étude a concerné 1157 patients admis dans le service de réanimation. L’âge moyen était de 34,63+/-23,37 ans avec des extrêmes allant de 6 mois à 103 ans. Le sexe masculin prédominait avec 62,22%, soit un sexe ratio de 1,6. La tranche d’âge la plus représentée était celle de 20-39 ans avec 34,22% des cas, suivie des moins de 20 ans avec 30,94% des cas. Les sujets âgés de plus de 60 ans représentaient 13,56%. (Figure n°1)

Les patients provenaient de différents services avec une prédominance du bloc opératoire (58,77%), des urgences chirurgicales (17,37%). 10,11% des patients étaient des admissions directes et 4,75% venaient du service des urgences médicales (Tableau I).

Les motifs d’admission étaient dominés par les nécessités de soins post opératoires (58,77%), suivies des pathologies traumatiques (14,60%), les affections neurologiques et cardiovasculaires représentaient respectivement 9,93% et 6,39%. On note 0,43 % d’intoxications médicamenteuses. (Tableau II).

Nous avons enregistré 73,37% cas d’admission chirurgicale qui étaient dominées par la chirurgie digestive (17,02%) suivies de la chirurgie traumatologique (10,63%) et de la neurochirurgie (9,07%). Les causes d’admission médicales représentaient 26,62% dominées par les accidents vasculaires cérébraux (9,93%), suivis de l’hypertension artérielle (6,39%) et de l’asthme aigue grave (3,11%). Les détresses vitales enregistrées étaient cardiovasculaires (4,49%), respiratoires (2,85%) et neurologiques (2,42%). Du point de vu biologique l’hémogramme a été réalisé chez tous les patients. La glycémie et le bilan rénal respectivement chez 45% et 43,30% des patients. La transfusion sanguine a été effectuée chez 22,73% des patients (le seuil transfusionnel Hg≤7g/dl). La radiographie pulmonaire a été réalisée dans 10, 97% de cas, l’échographie abdominale dans 8,03% de cas. Seulement 4,40% des patients ont bénéficié du scanner. Tous les patients ont eu une analgésie ; 84,35% une antibiothérapie. 75,28% des patients ont bénéficié d’une sédation et 5,79% des vasopresseurs. La durée moyenne d’hospitalisation était de 4,45 jours avec un taux de décès de 28,34%.

Discussion

Dans notre série, l’âge moyen des patients était de 34, 63 ans, avec des extrêmes allant de 6 mois à 103 ans .La tranche d’âge la plus rencontrée était celle de 20-39 ans avec 34,22% de cas suivie de celle des moins de 20 ans, 30,94% de cas. Dans notre série les patients étaient jeunes (âge moyen 34,63 ans), plusieurs études confirment la prédominance de l’adulte jeune économiquement actif : Diouf. E et coll. à Dakar et Konan.K.J. et coll. en Côte d’Ivoire avec respectivement 30,47 ans et 34,3 ans. [1, 2] En France, Misset. B et coll. trouvent 56 ans [3] La faible proportion des sujets âgés de notre série, pourrait s’expliquer par l’espérance de vie à la naissance qui selon OMS est de 59 ans au Niger. [4] Le sex-ratio en faveur du sexe masculin, se retrouve dans d’autres études de la sous-région notamment à Dakar et en Côte d’Ivoire avec respectivement un sex-ratio de 1,2 et 1,15 en faveur des hommes [1, 2]. Ceci peut s’expliquer par la très grande activité du service de traumatologie à prédominance masculine dans nos hôpitaux et particulièrement à l’Hôpital National de Niamey. Plusieurs études trouvent que les hommes sont plus souvent victimes d’accident de la voie publique que les femmes avec des sex-ratios pouvant aller jusqu’à 8 [5]. Au Niger, Chaibou .M.S et coll. trouvent un sex-ratio de 5,5. [6]. Dans notre série les patients issus du bloc opératoire de chirurgie réglée et de chirurgie d’urgence dominaient. Ceci s’expliquer par le fait que tous les patients ayant présenté une complication per-opératoire (anesthésique ou chirurgicale), ceux ayant fait l’objet de chirurgie lourde et les drépanocytaires sont admis en réanimation pour surveillance continue. Dans une étude d’évaluation des services de soins intensifs à partir de l’évaluation du score SAPS III à l’admission des patients, la plus grande proportion de patients provenant du bloc opératoire (38,5%) [7]. Dans notre série les patients provenant du service des urgences chirurgicales représentaient 17,37%. Une étude multicentrique réalisée en Grande Bretagne de trouve que 26,3% des patients provenaient des urgences. [8] Les résultats de l’étude du groupe italien sur la qualité des interventions en soins intensifs (GiViTI) en 2005, montraient que 25,5% d’admissions provenaient des urgences chirurgicales [9]. Dans notre série les urgences médicales viennent en dernière position avec 4,75% des cas. Diouf. E et coll. n’ont trouvé que 3,39% de cas provenant des urgences médicales. [1] Ce taux s’explique par le fait que la plupart des patients de ce service sont orientés directement vers le service de médecine interne pour hospitalisation et de la sélection faite pour l’admission de certains patients en réanimation comme les accidents vasculaires cérébraux vu le nombre de lits limités de notre unité. Nos motifs d’admission sont très diversifiés. Les admissions provenant du bloc opératoire viennent en première position avec 58,77% de cas, suivies des pathologies traumatiques avec 14,60%. Diouf. E et coll. trouvent respectivement 30,24% et 24,69% [1]. Dans notre étude les causes d’admission chirurgicale (73,37%) sont nettement supérieures aux causes d’admission médicale (26,62%). Konan.K.J.et coll. en Côte d’Ivoire trouvent 53,50% de causes d’admission chirurgicale et 46,40% d’admission médicale. [3] Ouédraogo N. et coll. Au Burkina Faso 70,05% pour les causes d’admission chirurgicale et 79% pour les médicales [10]. Les motifs d’admission en réanimation à travers le monde sont multiples et variés. C’est d’ailleurs ce qui a conduit à la nécessité de catégoriser les services de réanimation en polyvalente, médicale, chirurgicale, neurochirurgicale et pédiatrique. Les principaux motifs peuvent être essentiellement regroupés dans les catégories respiratoire, cardiovasculaire, neurologique et traumatique. Les différents résultats retrouvés montrent une prédominance des cas chirurgicaux (pour plus de 50%) par rapport aux cas médicaux : 40 à 43% [7,9,11,12]. Dans toutes les réanimations à travers le monde, les traumatismes occupent une place particulière de par leur fréquence et leur gravité [5,9,13]. Dans notre série les causes d’admission chirurgicale étaient respectivement de 17,02% et 9,07% pour la chirurgie digestive et la neurochirurgie. Ouédraogo N. et coll. trouvent 73,3% et 13,3%. [10]. Dans notre série, pour les causes d’admission médicale, les accidents vasculaires cérébraux (AVC) prédominent avec 9,93%. Ce taux des AVC est largement inférieur à ceux trouvés par Konan.K.J. et coll., Ouédraogo N. et coll. et Lemeshow.D et coll. respectivement 26,30%. 33,11% et 21,05% [3, 10,14]. Cette différence s’explique par la faible capacité de notre unité de réanimation (quatre lits) imposant une sélection des patients. Le scanner
était réalisé dans 4,40% des cas. Chaibou. M.S et coll .au Niger trouvent 38,46% [6]. Cette différence pourrait s’expliquer par le fait que leur étude s’est consacrée uniquement sur la prise en charge du polytraumatisme alors que nôtre échantillon est constitué d’une diversité de pathologies ; à ceci, s’ajoute le coût relativement élevé du scanner dans un pays où la majorité de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. L’évolution est marquée par une mortalité de 28,34%. Ce taux de mortalité est comparable à ceux retrouvés par Ben Yacoub et coll. (Maroc), Tchoua et coll (Gabon) avec respectivement 30% et 27,8% [15,16]. Les taux de mortalité observés en réanimation sont plus élevés que dans les autres services partout à travers le monde [1]. Ce taux est très important comparé à celui d’autres pays de l’Europe et de l’Amérique où il varie entre 8 et 20% [1,7,9], Cela se comprend par la gravité des cas admis en réanimation, par la pénurie en matériel de réanimation dans nos pays en voie de développement où la plupart des patients ne dispose pas d’assurance maladie.

Conclusion

Cette étude rétrospective sur le profil épidémiologique des patients admis en réanimation fait ressortir que le service de réanimation prend en charge une population jeune. Les suites post opératoires et les pathologies traumatiques dominaient, un taux de décès comparable dans la sous-région malgré le sous équipement. L’amélioration de cette situation passe par une modernisation de l’unité et aussi un accent particulier sur la formation du personnel


Références

1. Diouf. E, Leye. P.A, Bah. M.D, Ndiaye. P.I, Fall. M.L, Traoré. M.M et coll. Modalités d’admission des patients dans un service de réanimation en Afrique et conséquences sur l’évolution. Rev Afr Anesth Med Urgence. 2014 ; 19 : 79-84.
2. Konan. K.J, Babo. C.J, Ayé. Y.D, Bouh.K.J, Kouamé.Y.S, Soro.L et coll. Aspects épidémiologiques des admissions dans le service de réanimation du CHU de Yopougon au cours du conflit armé post électoral en Côte d’Ivoire. Rev Afr. Anesth Med urgence. 2013 ; 18 : 33- 38.
3. Misset. B, Naiditch. M, Saulnier.F. Fosse JP, Pinsard M. et coll. Construction d’une classification diagnostique pour le groupage médico-économique des patients de réanimation. Informatique et Santé. Informatique et Gestion Médicalisée. 1997 ; 9 : 39-46.
4. Aguèmon. A.R, Padonou. J.L, Yévègnon S.R, Hounkpè. P.C, Madougou. S. Djagnikpo. A.K et coll. Traumatismes crâniens graves en réanimation au Bénin de 1998 à 2002. Ann Fr Anesth Réanim 2005 ; 24 : 36-39.
5. Chaibou.M.S, Sani.R, Dambaki.M.S, Souna.A, Idrissa.A, Madougou.M et coll. Prise en charge du polytraumatisé à l’Hôpital National de Niamey. Rev Afr. Anesth Med urgence. 2010 ; 14 : 61-64.
6. Moreno. R.P, Matmitz. P.G.H, Almeida. E, Jordan. B, Bauer. P, Campos. R.A et coll. SAPS 3 - from evaluation of the patient to evaluation of the intensive care unit. Part 2 : development of a prognostic model for hospital mortality at ICU admission .Intensive care med. 2005 ; 31 : 1345 - 55.
7. Rouan. K, Simpson HK, Clancy M, Goldfrad C. Admission to intensive care unit from emergency departement : a
descriptive study. Emerg. Med. J. 2000 ; 22 : 423-428.
8. Boffelli. S, Rossi. C, Aughileri. A, Giadiano M., Carnevale I., Messina M., et coll. Continuous quality improvement in intensive care medicine The GiViTI Margherita Project -Report 2005 Minerva anesthesiol. 2006 ; 72 : 419-32.
9. Ouédrago. N, Ali. N, Andre. S, Svetlana. B, Hamade.O, Joahim.S. Cahier d’étude et de recherche francophone santé. 2002 ; 4 : 375-82.
10. Nguyen HB, Rivers EP, Havstad. S, Knoblich. B, Ressler. J.A, Muzzin. A. M et coll. Critical care in the emergency department : A physiologic assessment and outcome evaluation. Acad Emerg Med. 2000 ; 7 : 1354-61.
11. Praveen. K, Devajit. S, Reeta.S et coll. Demographic profile and outcome analysis of a tertiary level hospital. Pediatric intensive care unit 2004 ; 71 : 587 - 91.
12. Telion. C, Greffet. A, Rozemberg A, Lajay M, Janniere D, Carli. P. L’admission directe en service de réanimation ou de soins intensifs des patients pris en charge par le SMUR est-elle justifiée ? Ann Fr Anesth Réanim 2000 ; 19 : 654-61.
13. Lemeshow. D, Teres. S, Klar. J, Avruning J, Kapoport J. Mortality prediction Models (MPMII) based on an International cohort of intensive care patients. JAMA 1993 ; 270 : 2478-86.
14. Ben Yacoub, Loukilih, Akkaoui. M, Chikhaoui H. Etude de la mortalité dans le service de réanimation polyvalente au CHR de l’hôpital Mohamed V de Meknès. Rev Afr. Anesth Med urgence. 2011 ; 28 : 13-15.
15. Tchoua. R, Vemba. A, Koumba C.T, N’Safu DN. Gravité des maladies de réanimation à la fondation Jeanne Ebori de Libreville. Méd. Afr. Noire : 1999 ; 46 : 496-99

La vie de l'Anesthésie

rechercher sur le site de la SARAF

Recherches


Pour rendre vos recherches plus faciles