Tome 19 n°1 - 2014


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Hématome rétro-placentaire (HRP) et mort foetale in utéro (MFIU) : à propos de 70 cas et revue de la littérature

Abruptio placentae and in utero fetal death (IUFD) : about 70 cases and literature review Mian DD, Angoi V, N’guessan KLP, Abauleth YR, Kouakou

janvier 2014, par Mian DB , Angoi V , N’guessan KLP , Abauleth YR , Kouakou F , Boni S

Auteur correspondant : Mian Dehi Boston. Email : bostondehimian chez yahoo.fr


Résumé :

L’hématome rétro placentaire est une urgence hémorragique de la fin de grossesse.
Objectif : Décrire les aspects épidémiologiques, cliniques et pronostiques de l’HRP dans un pays en voie de développement d’Afrique subsaharienne.
Matériels et méthodes Il s’agissait d’une étude rétrospective descriptive et analytique sur un an (2012). Elle avait concerné 70 patientes hospitalisées dans le service de Gynécologie-Obstétrique du CHU de Cocody, pour un HRP diagnostiqué cliniquement par la présence de l’hématome et d’une cupule après examen du placenta. Cette population a été divisée en deux sous groupe qui ont été comparés : le groupe 1 : HRP avec une MFIU : n= 31 (64%), et le groupe 2 : HRP sans MFIU : n= 18 (36%)
Les paramètres concernant l’âge maternel ; l’âge gestationnel ; le délai de la prise en charge, l’intervalle d’hospitalisation-décision et la décision obstétricale ont été étudiés.
Résultats La fréquence de l’HRP était estimée à 1,55% (70 cas pour 4500 accouchements).
Les patientes avaient en moyenne 30,82 ans pour des extrêmes de 17 et 45 ans. Les primipares représentaient 54,2%. La mort foetale était diagnostiquée dès l’admission dans 64% des cas. Le diagnostic de l’HRP était surtout clinique en absence d’échographie dans notre salle de naissance. La césarienne en extrême urgence était dans tous les cas indiquée dans notre contexte quel que soit l’état foetal. Les troubles de l’hémostase s’associaient au choc hémorragique et rendait le pronostic foetal généralement mauvais.
Conclusion L’hématome rétro placentaire reste une pathologie sévère et préoccupante car imprévisible et de pronostic maternel et foetal sombre.
Mots-clés : Mort Foetale in Utero, Complications, Pronostic Maternel, Traitement

Summary

Abruptio placentae (AP) is a bleeding emergency in late pregnancy.
Objective : To describe epidemiological and prognostic aspects of abruptio placentae in a developing country in sub-Saharan Africa.
Materials and methods It was a descriptive and analytical retrospective study over one year (2012). She was concerned 70 patients hospitalized in the Department of Obstetrics and Gynecology of the University Hospital of Cocody, for AP diagnosed clinically by the presence of hematoma and a cup after placental examination. This population was divided into 2 sub-groups that were compared :
1st Group : HRP with IUFD : n = 31 (64%),
2nd Group : HRP without IUFD : n = 18 (36%)
Maternal parameters as age, week’s gestational, time management and the hospital and obstetric decision - making interval were studied.
Results The frequency of the HRP was estimated at 1.55% (70 cases for 4500 births). Patients had an average of 30.82 years for extremes of 17 and 45 years. Primiparous represented 54.2 %. Fetal death was diagnosed on admission in 64 % cases. The diagnosis of AP was mainly in absence of fetal heart beats in US. Extremely urgent cesarean section was indicated in all cases in our context regardless of the fetal condition. Hemostasis disorders were associated with hemorrhagic shock and made generally poor fetal prognosis.
Conclusion The AP remains a concern as unpredictable and severe pathology and maternal and fetal prognosis.
Key-words : In Utero Fetal Death, Complications, Prognosis, Treatment.

Introduction

L’hématome rétro-placentaire (HRP) est encore appelé décollement prématuré du placenta normalement inséré avec constitution d’un hématome situé entre la paroi de l’utérus et le placenta. Il survient surtout au cours des derniers mois de la grossesse ou du travail, et est caractérisé par un état hémorragique allant du simple éclatement d’un infarctus du placenta jusqu’aux raptus hémorragiques atteignant toute la sphère génitale, et pouvant même la dépasser (apoplexie utéro-placentaire). Il représente surtout l’urgence chirurgico-obstétricale par excellence de la fin de la grossesse et mérite une conduite à tenir vigoureuse et rapide.

Objectif :

décrire les aspects épidémiologiques, cliniques et pronostiques de l’HRP dans un pays en voie de développement d’Afrique subsaharienne, afin d’en permettre une prise en charge et un pronostic améliorés.

Materiels et methodes

Il s’agissait d’une étude rétrospective descriptive et analytique sur une durée d’une année. Ont été retenues toutes les patientes hospitalisées dans le service de Gynécologie-Obstétrique du CHU de Cocody à Abidjan, pour HRP diagnostiqué cliniquement par la présence de l’hématome et d’une cupule après examen du délivre (n=70 cas d’HRP). Nous avons comparé deux groupes d’HRP : HRP avec mort foetale in utero (MFIU) : 31 cas soit 64% et HRP sans MFIU : 18 cas soit 36%
Les paramètres suivants ont été étudiés : l’âge maternel ; l’âge gestationnel, divisé en 4 groupes : Jusqu’à 32 SA ; à 34 SA ; à 36 SA et après36 SA ; le délai de la prise en charge, c’est-à-dire le temps entre le début des symptômes rapportés par la malade et l’admission à l’hôpital. L’intervalle d’hospitalisation-décision, c’est-à-dire le temps entre l’hospitalisation de la patiente et la décision obstétricale.

Résultats

Fréquence

En 2012, la fréquence de l’HRP était estimée à 1,55% soit 70 cas pour 4500 accouchements.

Aspects sociodémographiques

Le tableau I montre la répartition des patientes selon l’âge tandis que le tableau II illustre la répartition selon la parité.

Modalités thérapeutiques et evolutives

Discussion

Profil à risque

Même si les étiologies des HRP demeurent à ce jour méconnues, plusieurs facteurs ont été incriminés dans leur survenue. Pour certains, il s’agit de l’âge avancé de la mère, identifié comme un principal facteur. Ainsi donc, Corréa rapportait que plus du tiers des patientes (39,5 %) avaient de plus de 30 ans [1] alors qu’elles représentaient plus de la moitié (51%) pour Thoulon [2] en France et Diallo [3] au Sénégal. Notre étude a confirmé ces faits et nous pensons que l’âge avancé semblait être constamment associé à la survenue de l’HRP. Cependant, les autres tranches d’âge peuvent également être concernées comme le prouvait le nombre important de femmes jeunes (50%) et d’adolescentes retrouvés dans notre étude (5,7 %).
Outre l’âge, la parité a également été identifiée comme facteur de risque de survenue d’un HRP. Ainsi, la primiparité était souvent associée à l’HTA gravidique et ses conséquences dont l’HRP.
La multiparité et la primiparité ont également été associées à la survenue de l’HRP. Dans sa série, Diallo retrouvait 44,33 % pour une parité supérieure à 5. Notre étude, bien que mettant en évidence une fréquence élevée de patientes ayant une parité supérieure à 3 (31,6 %), révélait en outre une fréquence plus élevée chez les primipares avec 54,2 %.
L’hypertension artérielle était aussi identifiée comme un facteur prédisposant retrouvée dans notre série. Il s’agissait dans 40 % des cas d’une toxémie et 27,1 % des cas d’une hypertension artérielle antérieure à la grossesse. Dans la littérature, les études de Dumont [4] et Diallo corroboraient ces faits. Selon Lang [5], la mort foetale liée à l’HRP serait en rapport avec l’élévation de la pression diastolique > à 95 mm Hg au cours de l’hypertension artérielle. La mort foetale observée dans l’HRP était surtout due à l’interruption des échanges materno-foetaux liés au décollement du placenta. Dans notre série, la mort foetale diagnostiquée dès l’admission était évaluée à 64%. Nous pensons que le mauvais suivi de la grossesse était un facteur de risque de survenue de l’HRP. En effet, des consultations prénatales de qualité auraient sûrement permis de dépister les anomalies liées à la grossesse et aux accouchements notamment les syndromes vasculo-rénaux par la prise systématique de la tension artérielle et la recherche de la protéinurie dans les urines. Il est en fait très difficile de disposer d’une évaluation précise de la fréquence de l’HRP car la définition des auteurs varie selon le mode de diagnostic : tableau complet incluant l’anatomopathologie, ou de simples constatations macroscopiques ou microscopiques, voire parfois un diagnostic purement clinique pour certains.

Anatomopathologie

L’hématome décidual basal par rupture d’une artère utéro-placentaire constituait la lésion anatomique responsable d’une interruption de la circulation materno-foetale, à l’origine rapidement des troubles hémodynamiques associés à une souffrance foetale et à des anomalies de la coagulation chez la mère [6,7]. Les lésions s’observaient aussi bien au niveau de l’utérus, du placenta que des viscères avoisinant. Les lésions de l’utérus consistaient surtout en une infiltration sanguine du myomètre, dont l’intensité est variable. Elle se caractérisait macroscopiquement par de larges ecchymoses occupant les deux faces de l’utérus lui donnant une coloration qui variait entre le rouge cuivre, bleu foncé et le noir (utérus bigarré) réalisant un aspect apoplectique typique lors de la césarienne : l’apoplexie utéro-placentaire de Couvelaire. Du point de vue microscopique, la lésion essentielle était représentée par l’éclatement des capillaires. Les annexes utérines pouvaient également être concernées par le processus apoplectique. Dans les formes graves, les lésions hémorragiques pouvaient, atteindre des viscères non génitaux, notamment le foie, les reins et le pancréas. La mort foetale était la conséquence fréquente de l’interruption des échanges utéro placentaires et de l’extrême hypertonie utérine [8,9].

Physiopathologie

L’HRP était associé à des circonstances étiologiques diverses liées globalement à des mécanismes très différents les uns des autres dont beaucoup demeurent encore méconnus. La théorie classique admet que l’HRP, dans sa forme la plus typique, survenait dans le cadre d’une maladie vasculaire [10,11]. De nombreuses études ont démontré que l’un des mécanismes initiaux de l’anomalie de placentation était constitué par une altération de l’invasion trophoblastique des artères spiralées aboutissant à une ischémie utéro-placentaire d’autant plus importante qu’il existe un terrain favorable.

Diagnostic de L’HRP

L’hématome rétro placentaire survient le plus souvent de façon imprévisible. Le diagnostic dans notre pratique courante était surtout clinique surtout en absence d’échographie dans nos salles de naissance. Il reposait sur les hémorragies génitales très caractéristiques, faites de sang noir minimes contrastant avec l’état de choc, sur la douleur abdominale atroce qui restait associée à la contracture utérine, à la diminution ou à l’absence des mouvements actifs foetaux.
La césarienne en extrême urgence était dans tous les cas indiquée dans notre contexte quel que soit l’état du foetus. En cas de mort foetale, l’accouchement par voie vaginale pouvait être privilégié. Les troubles de l’hémostase s’associaient au choc hémorragique et l’aggravaient. Des signes de choc hémorragique sont parfois associés lorsque l’hématome est important. L’HRP prend alors la forme clinique d’une menace d’accouchement prématuré et/ou d’une souffrance foetale aiguë ou d’une mort foetale inexpliquée ; il peut passer inaperçu lorsque l’expression clinique est la mise en route du travail obstétrical, volontiers hypercinétique et hypertonique compliqué d’anomalies de rythme cardiaque. Le diagnostic de l’HRP peut être alors porté de façon rétrospective par l’examen du placenta après l’accouchement par voie basse ou la césarienne.
Ainsi, sur la base de ces disparités cliniques, deux classifications sont proposés dans la revue de la littérature celle comportant quatre stades : le stade 0 : diagnostic anatomopathologique sans symptomatologie, le stade, 1 : forme frustre avec enfant vivant, le stade 2 : forme moyenne avec troubles de la coagulation débutants et le stade 3 : forme grave avec troubles de la coagulation et mort foetale in utero [11]. La classification de Sher [12] comporte quant à elle 3 stades : le stade 1, moyen avec métrorragie inexpliquée et diagnostic rétrospectif post-partum d’un petit hématome, le stade 2, intermédiaire avec hypertonie utérine et enfant vivant, le stade 3, sévère avec mort foetale. Ce troisième stade est subdivisé en stade 3A, sans coagulopathie et stade 3B, avec coagulopathie. Les anomalies biologiques et les atteintes cliniques associées aux hématomes rétro-placentaires de faible importance et pauci symptomatiques sont résolutives spontanément avec l’accouchement et l’expulsion du placenta. L’importance du choc hémorragique ne doit pas être sous-estimée. L’utérus distendu peut en effet être le siège d’un volume d’hémorragie pouvant atteindre 4 litres. La correction rapide de la volémie et de l’anémie est obtenue selon les principes décrits ultérieurement. Les troubles de l’hémostase sont décrits comme associant une coagulation intravasculaire disséminée selon les critères de l’ISTH à une fibrinolyse et fibrinogénolyse réactionnelle majeure [12], [13]. Sher évoque plusieurs mécanismes à ces troubles de l’hémostase. La contracture utérine et l’ischémie associées jouent un rôle protecteur du reste de l’organisme maternel vis-à-vis de cette libération massive de t-PA. Sher incrimine les produits de dégradation de la fibrine et du fibrinogène (PDF) dans la genèse d’une partie de l’hypocoagulabilité et dans l’atonie utérine constatée pour certains de ces HRP. Elle n’est pas sensible aux ocytociques [11,12,14]. L’objectif au cours de l’accouchement par voie basse ou de la césarienne si elle était nécessaire, est de rendre la patiente coagulable au moment de la délivrance. La condition sine qua non à la coagulabilité de la patiente est d’obtenir et de maintenir un taux de fibrinogène supérieur à 1 g/l. Cette condition est obtenue par plusieurs pratiques de réanimation dont aucune n’a fait la preuve de sa supériorité : la perfusion de 10-20 ml/kg de plasma frais congelé ou la perfusion de 0,05 à 0,1 g/kg de fibrinogène ou l’emploi d’anti fibrinolytiques. Sher préconise l’emploi de l’aprotinine qui est un inhibiteur de la plasmine, de l’antithrombine et de la kallicréine à la posologie de 1000 000 Unités. L’état de choc hémorragique peut se compliquer d’une défaillance multiviscérale et occasionner la mort maternelle (7% à 20% des morts maternelles par hémorragies) [15,16].
Ainsi, la majorité des formes cliniques est trompeuse à type de métrorragies isolées, de souffrance foetale ou d’hypertonie-hypercinésie utérine. Si la césarienne permet de diminuer la mortalité périnatale (20 à 50%) dans les hématomes rétro placentaires avec enfant vivant, l’accouchement par voie basse est préconisé dans les hématomes rétro placentaires avec enfant mort. Ceci ne peut se produire qu’après la correction de l’état de choc hémorragique, des anomalies de l’hémostase à type de coagulation intravasculaire aiguë fibrinolytique et de l’atonie utérine. Le plus souvent ce résultat ne peut être atteint qu’après l’accouchement.

Evolution et complications

L’évolution des HRP est le plus souvent favorable. Beaucoup évoluent d’eux-mêmes vers la guérison
après un accouchement rapide aidé par l’ouverture spontanée ou artificielle de l’oeuf. La délivrance suit de près l’accouchement, accompagnée d’une abondante émission de caillots noirs. La prise en charge maternelle par une réanimation efficace, ne permet pas d’éviter dans tous les cas les complications qui restent possibles, notamment : le choc hypovolémique ; les troubles de la crase sanguine ; l’atonie utérine par inertie ; le choc hémorragique ; l’oligoanurie par insuffisance rénal ; la mort maternelle pouvant survenir au décours de toutes ces complications ;
Complications foetales.
Le pronostic foetal est en général mauvais. Ce pronostic est lié essentiellement à l’étendue du décollement, aux lésions utérines associées et à l’importance du choc. Si le foetus survit, la morbidité post-natale n’est pas nulle, avec possibilité de séquelles neurologiques. Notons qu’il existe cependant une disproportion entre la durée et l’intensité des anomalies du rythme cardiaque foetal et l’importance de la morbidité néonatale.

Traitement

Traitement curatif

Les objectifs du traitement sont au nombre de quatre :
1. Evacuation utérine rapide car le placenta est la source des enzymes perturbant la coagulation. Cette évacuation est obtenue surtout par la réalisation d’une césarienne en urgence. L’analgésie péridurale est formellement contre-indiquée. L’anesthésie générale permet de réaliser rapidement une délivrance artificielle et une révision utérine qui sont largement préconisées. L’administration d’utérotoniques aide rapidement à d’une rétraction utérine de qualité. L’opération est accompagnée de mesures de réanimation consistant en un rétablissement de la masse sanguine, et le maintien électrolytique. La césarienne doit être conservatrice, et l’hystérectomie n’a que d’exceptionnelles indications : ces utérus bigarrés retrouvent après leur évacuation leur totale valeur fonctionnelle. La morbidité maternelle est fortement dominée par l’anémie aiguë liée à la spoliation sanguine qui peut se manifester encore dans les suites de couches comme l’a aussi constaté Dumont [4]. Nous pouvons décrire deux situations cliniques :
Lorsque le foetus est mort, la voie basse est alors préférable : Après une amniotomie précoce afin de diminuer la pression intra-amniotique et favoriser la bonne marche. Il faudrait y adjoindre la perfusion intraveineuse lente d’ocytociques sauf contre-indication à leur utilisation. L’hypercinésie utérine la rend souvent inutile. Classiquement les délais admis pour l’évacuation utérine ne doivent pas excéder quatre heures pour certains. La césarienne doit être pratiquée avant que le temps perdu à attendre n’ait aggravé l’état général, le but étant de protéger la vie maternelle. Lorsque le foetus est vivant, une césarienne sera pratiquée d’emblée en urgence. Dans l’attente de sa réalisation, la rupture artificielle des membranes est alors réalisée le plus précocement possible associée à une perfusion d’ocytocine.
2. Traitement du choc hypovolémique
Il est essentiel et tient compte du fait que le saignement extériorisé est toujours inférieur à la déperdition sanguine réelle. Il fait appel essentiellement au sang total et à ses dérivés (culots érythrocytaires, plasma frais-congelé), en respectant les règles strictes d’une transfusion sanguine. Les solutés cristalloïdes type
Ringer, sérum salé isotoniques peuvent être utilisées. Il est parfois nécessaire d’installer un contrôle de la pression veineuse centrale [7,11,15].
3. Traitement des troubles de la coagulation
Il doit être précoce et a pour vocation de lutter contre la CIVD. Cette lutte passe par le maintien de l’hématocrite. L’utilisation de plasma frais-congelé ABO-compatible, permet d’apporter du fibrinogène et des facteurs de la coagulation. La transfusion de plaquettes (ABO-compatible) n’est utile que si l’on a un taux de plaquettes inférieur à 50 000, s’il existe des anomalies du temps de saignement, et immédiatement avant la césarienne ou l’accouchement. D’autres produits ne sont plus aujourd’hui utilisés par la plupart des praticiens : il s’agit de l’héparine (dont l’intérêt théorique dans la lutte contre la CIVD est largement contre balancée par les risques d’hémorragie secondaire), du fibrinogène, de l’acide alpha amino-caproïque, et des anti-fibrinolytiques tel l’acide tranexamique. En cas d’hypofibrinogénémie sévère, l’utilisation de cryoprécipités peut être utile [7,11,15].
4. Traitement de l’atteinte rénale éventuelle
En cas d’oligurie ou d’anurie persistante, seront indiqués l’emploi du Furosémide à haute dose, associé à une compensation hydro électrolytique précise. La dialyse péritonéale ou l’hémodialyse étant indiqués dans les rares cas où il existe un rein artificiel. La durée de cette anurie est très variable, pouvant être définitive [7]. La patiente doit être prise en charge par une équipe comprenant au minimum un obstétricien et un
anesthésiste-réanimateur. Certaines précautions doivent cependant être prises : un bilan initial doit être entrepris, comprenant la détermination du groupe sanguin Rhésus, une étude des éléments biologiques de la coagulation (temps de coagulation, temps de saignement, dosage du fibrinogène, numération des plaquettes, taux de prothrombine), l’hématocrite, le dosage de l’urée, de l’acide urique, de la réserve alcaline. Cette liste s’allonge en fonction des moyens disponibles. Ces examens doivent être répétés aussi souvent que nécessaire, au maximum toutes les trois heures pour les examens explorant la coagulation ; une sonde urinaire doit être mise en place permettant de mesurer la diurèse et la protéinurie ; un cathéter veineux laissé en place permettant le contrôle périodique de la coagulation et la perfusion de tout médicament jugé utile.
Traitement préventif
Le seul moyen pharmacologique qui ait été réellement proposé est l’Aspirine®. Les résultats dont on dispose actuellement comportent un nombre insuffisant d’HRP pour pouvoir réellement conclure. Quoi qu’il en soit, plusieurs auteurs continuent à traiter par l’Aspirine® les patientes ayant dans leurs antécédents un ou deux HRP dans un contexte de retard de croissance intra-utérin ou d’hypertension artérielle [7,16,17].
Conclusion
L’hématome rétro placentaire reste une pathologie obstétricale sévère et préoccupante car imprévisible. La spoliation sanguine importante et le retard à l’expulsion aggravent le pronostic entrainant une morbidité maternelle grave, d’où l’intérêt d’élargir les indications de césarienne pour hématome rétro placentaire quel que soit l’état foetal.


Références

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