Auteur correspondant : Tomta Kadjika. Email :dountg chez yahoo.fr
Introduction
Grâce au développement prodigieux qu’a connu l’Anesthésie Réanimation ces dernières décennies, lié essentiellement à une meilleure connaissance de la physiopathologie et de la pharmacologie, mais aussi à l’accroissement du nombre de médecins anesthésistes, elle permet de nos jours dans les pays nantis, la prise en charge efficace des patients fragiles pour des interventions de plus en plus lourdes. Les pays en développement, et plus particulièrement ceux de l’Afrique subsaharienne restent en dehors de ces avancées, avec des taux de mortalité péri opératoire très élevés, en rapport avec des pénuries multiples dont le manque de personnels qualifiés, l’obsolescence des équipements et la pénurie fréquente en médicaments essentiels[1,2 ,3].Le Togo ne fait pas exception, mais aucune étude d’évaluation de pratique anesthésique au plan national n’a encore été menée. ; les seules données disponibles sont celles des enquêtes menées dans certains établissements ou sites d’anesthésie [4,5].La présente enquête a pour objectif, à l’instar des enquêtes de la SFAR en 1996 et de la société marocaine d’analgésie et d’anesthésie réanimation (SMAAR) en 1998 [6,7] de faire un état des lieux de l’activité anesthésique sur tout le territoire national du Togo, dans tous les secteurs, en vue d’identifier les problèmes prioritaires liés à la pratique de l’anesthésie dans notre contexte.
Cadre d’étude
L’étude a porté sur tous les établissements de soins du Togo disposant d’un site d’anesthésie agréé par l’état, publique, privé ou confessionnel. Le Togo a une superficie de 56000km2 et une population de 5337000habitants [8]. La carte sanitaire en comprend 6 régions : Lomé-commune, Maritime, Plateaux, Centrale, Kara et Savanes. Chaque région sanitaire est subdivisée en districts sanitaires correspondant aux préfectures.
Les établissements de soins au Togo se répartissent en 2 secteurs :
– un secteur public, avec les centres hospitaliers (CHU) au niveau national, les centres hospitaliers régionaux (CHR) au niveau régional, et les centres hospitaliers préfectoraux (CHP) au niveau des districts sanitaires.
– un secteur privé comprenant des établissements privés et confessionnels (EPC)
Matériels et méthodes
Il s’est agi d’une étude d’observation transversale, prospective et descriptive, du 1er novembre2009 au 30 avril 2010.L’enquête, qui n’a commencé qu’après accord du comité d’éthique local, et approbation du ministère de la santé, a porté, pour chaque site enquêté, sur 10 jours consécutifs d’anesthésie, de 07 heures le 1er jour à 07 heures le onzième jour. Toutes les anesthésies réalisées, en urgence comme en programme, de jour comme de nuit, par un anesthésiste (médecin ou technicien supérieur en anesthésie réanimation diplômé) ont été prises en compte. Les anesthésies pratiquées par les chirurgiens au bloc opératoire, par les médecins en cabinet médical, ou par des infirmiers non titulaires de diplômes d’aide- anesthésiste, ont été exclues. Une fiche d’enquête pour le recueil des diverses informations concernant les sites d’anesthésie, les types de personnels pratiquant les anesthésies, les patients, les anesthésies et les actes chirurgicaux, a été adressée à chaque établissement éligible et acheminée par un technicien supérieur d’anesthésie réanimation (TSAR).Celui-ci séjournait pendant les 10 jours d’enquête dans le centre pour assurer le remplissage des fiches des patients retenus ,en collaboration avec un anesthésiste référent désigné dans le centre ;il collectait les fiches remplies et les emportait à la fin de l’enquête. Les sources des informations étaient, outre l’observation directe du déroulement des anesthésies, les feuilles, les registres, et les praticiens, d’anesthésie. Le dépouillement des données a été manuel.
Résultats
Etablissements enquêtés
Trente-neuf établissements pratiquant des anesthésies ont été recensés ; la catégorie et la répartition géographique de ces établissements figurent sur le tableau I. Trente-cinq (35) d’entre eux ont accepté de participer à l’enquête, soit un taux de participation de 89,74% : 3 CHU, 4 CHR, 9 CHP et les 19 EPC. Les caractéristiques principales des établissements enquêtés figurent sur le tableau II
Nombre d’anesthésies
Au total 986 anesthésies ont été réalisées durant les 10 jours d’enquête. Le nombre total annuel pouvait être estimé à 35989 soit 0,6 anesthésie pour 100 habitants par an ; ces anesthésies se répartissaient selon les types d’établissement comme représenté dans la figure 1.Le secteur privé fait presque « jeu égal » avec le secteur public en termes de volume des actes d’anesthésie.
Caractéristiques des patients
Les principales caractéristiques des patients figurent dans le tableau III. Environ 11% des anesthésies étaient pratiquées chez des patients de moins de 15ans, et plus de ¾ d’entre elles (82,28%) concernaient les patients de 15 à 60 ans. Dans 61,87% des cas, l’anesthésie concernait un patient de sexe féminin. La grande majorité des anesthésies concernait des patients de classes physiques ASA 1 et 2 (95,01) ; ce taux passait à 96% dans les EPC .Le reste des anesthésies se répartissait entre les patients de classes ASA 3 et 4.
Pratiques anesthésiques
De toutes les anesthésies réalisées 93,71% l’ont été par les techniciens supérieurs d’anesthésie Réanimation (TSAR), contre 6,29% par les médecins anesthésistes réanimateurs(MAR).Toutes les anesthésies dans les CHR et CHP sont pratiquées par les TSAR ; dans les EPC, 40% sont pratiquées par des médecins anesthésistes réanimateurs(MAR). Soixante-dix-huit pour cent (78%) des anesthésies réalisées par les TSAR ne se sont pas sous supervision d’un médecin anesthésiste. Les consultations pré-anesthésiques à distance pour les interventions programmées étaient réalisées chez 30% des patients, globalement. Cette proportion était de 80% dans les CHU, 19% dans les CHP et 40% dans les EPC. L’anesthésie générale (AG) représentait 41% des anesthésies, avec des disparités importantes selon les types d’établissement : 60,36% dans les CHU ; 49,58% en CHR, 30,8% en CHP ; et 37,73% dans les EPC. Elle était accompagnée d’une intubation trachéale dans 69,12% des cas, d’un masque facial dans 22,94% des cas, et d’un masque laryngé dans 2,94% des cas. La ventilation était mécanique dans 22,54% des AG dont plus de la moitié étaient dans le secteur privé. La nature des produits anesthésiques utilisés dans l’AG est présentée dans le tableau IV. La Kétamine était le narcotique intraveineux le plus utilisé ; les halogénés ont été utilisés dans 63,72% des AG, et les curares dans 56,6% d’entre elles, le pancuronium étant le plus utilisé et présent dans toutes les formations (46,07% des AG), tandis que le vécuronium était utilisé seulement dans les EPC et les CHU. La célocurine était utilisée essentiellement dans les EPC. Les morphiniques étaient présents dans 79,65% des AG, et le fentanyl était le plus utilisé (56% des AG) et disponible dans tous les établissements. La péthidine était encore utilisée dans tous les établissements à l’exception des CHR. L’anesthésie locorégionale (ALR) représentait 59% des anesthésies, et concernait essentiellement la rachianesthésie (96,36% des ALR). Les autres types d’ALR comprenaient l’anesthésie péridurale lombaire (1,73%), le bloc caudal (0,35%), les blocs plexiques (0,86%), et les blocs tronculaires (0,7%). La bupivacaïne était l’anesthésique local (AL) le plus utilisé (97,76%) et disponible dans tous les établissements. Les autres AL (ropivacaïne et mépivacaïne dans les EPC, et la lidocaïne dans tous les établissements) représentaient moins de 3%. L’appareil à TA et le stéthoscope étaient les seuls moyens de monitorage utilisés dans tous les établissements. Le Cardioscope n’était utilisé que dans 35,5% des anesthésies (66% des anesthésies dans les CHU contre 17% dans les CHP).L’oxymètre de pouls a été utilisé dans 52,94% des anesthésies (25% des anesthésies en CHP et 78,57% de celles dans les EPC). La capnographie était quasi absente (2,94% des anesthésies). Environ 4% des anesthésies ont duré moins de 30mn, 42% ont duré moins d’une heure, et 20% ont duré plus de 2heures(Figure2). La durée moyenne était de 1h49 mn, avec des extrêmes de 7min et 09h35min
Le type de chirurgie
La répartition des anesthésies selon les spécialités chirurgicales est représentée dans le tableau V. Ainsi près d’une anesthésie sur deux est motivée par un acte de chirurgie gynéco-obstétricale, et près de 90% des anesthésies concernent trois types de chirurgie gynéco-obstétricale, digestive et orthopédique. Les actes non chirurgicaux qui ont nécessité une anesthésie étaient exclusivement des endoscopies (1% des anesthésies) : digestive (6cas), urologique (3 cas), et gynécologique (1 cas). L’anesthésie ambulatoire a concerné 3,04% des patients. Les interventions l’ayant motivé étaient l’ORL (20%), l’orthopédie (13%), la chirurgie digestive (23,33%), gynéco-obstétricale (23,33%), plastique (16,67%), urologique (3,37%), et maxillo-faciale (2,3%). Plus de la moitié d’entre elles (53,67%) étaient réalisées dans les EPC. Les patients ayant bénéficié de l’anesthésie ambulatoire étaient classés ASA1 et ASA2. La technique d’anesthésie ambulatoire était l’AG dans 72,41% des cas, accompagnée d’un masque facial dans 65,51% des cas. La rachianesthésie et le bloc axillaire étaient utilisés pour respectivement 23,33% et 3,3% d’entre elles. La durée de l’anesthésie était de 10 à 100mn en cas d’AG, mais plus de la moitié (58%) ont duré moins de 30 minutes. Les ALR ambulatoires duraient de 25 à 117 minutes. De toutes les anesthésies réalisées 46,25% d’entre elles l’étaient en urgence ; elles représentaient 45,37% des activités anesthésiques des CHU ,67% de celles des CHR ;
61,16% de celles des CHP ; et 34% de celles des EPC. Les spécialités les plus fréquemment concernées étaient la chirurgie gynéco-obstétricale (69,44%), la chirurgie digestive (23,02%),et l’orthopédie (5,7%) ;et les indications les plus fréquentes en étaient celles des césariennes (26,5%), les fractures et luxations (17,87%), les hernies étranglées (6,12%), les péritonites (3,75%) ,et les appendicites (3,75%).
Une stratégie transfusionnelle peropératoire a été effectuée dans 9,22% des anesthésies soit 91 anesthésies, ce qui correspond à une estimation de 3322 anesthésies par an. Il s’agissait de transfusion homologue de concentrés globulaires iso-rhésus dans 84,62% des cas, ou de transfusion autologue différée (15,38%) ; dans 35% des transfusions effectuées, du plasma frais congelé(PFC) a été associé au concentré globulaire dans le ratio 1pour 3 culots à 1 pour 2 culots. La transfusion se faisait exclusivement lors des actes de chirurgie, et les types de chirurgie ayant motivé la transfusion étaient l’obstétrique (48,3%), l’orthopédie (27,47%), les chirurgies digestive (20,21%), et urologique (5,5%). Le tableau VI montre la répartition des techniques transfusionnelles en fonction des catégories d’établissement. Les EPC ont effectué plus de la moitié des transfusions.
Discussions
Le nombre de sites d’anesthésie recensés(39) est tout à fait comparable à ceux observés par Binam au Cameroun(39sites), Lokossou au Benin(50 sites),et Coulibaly au Mali(79 sites)[9,10,11],le Togo étant de loin plus petit en superficie et en nombre d’habitants que les pays précités ;il est également en nette augmentation par rapport à une précédente étude en 2005 [1] qui avait recensé 23 sites sur tout le territoire national. Ce sont les EPC qui ont connu la plus grande augmentation de leur nombre (de 8 à 19 soit une augmentation de plus de 237%), et concentrent 48% des anesthésies. Ceci s’explique par les mauvaises conditions de travail dans le secteur public. La percée des établissements confessionnels tient surtout à l’inaccessibilité de plus en plus grande des populations aux soins chirurgicaux dans le secteur public, en l’absence de couverture sociale dans notre contexte. Cependant les EPC ont une très mauvaise répartition géographique (tableau I), avec 73,6% d’entre eux implantés dans la région Lomé-commune, alors que les sites publics, dont 2 CHU, y sont déjà implantés. Lomé-commune concentre une population de plus de 1,5 millions d’habitants. La grande majorité (87,57%) des sites disposent d’une ou 2 salles opératoires. Seul le CHU de Lomé dispose de 12 salles, car il est le plus ancien et le seul centre de référence véritablement national. Moins de la moitié des sites dispose d’une salle de surveillance post-interventionnelle (SSPI) ou d’une réanimation. Ceci pourrait s’expliquer par l’absence de personnel anesthésiste qualifié, notamment de médecins anesthésistes pour obtenir des décideurs leur mise en place [1]. Le nombre d’anesthésies, estimé dans notre enquête à 0,6 pour 100 habitants par an est inférieur à ceux des enquêtes marocaines et françaises [6,7] était très en deçà de la réalité (exclusion des anesthésies en ophtalmologie, réalisées exclusivement par les ophtalmologistes eux-mêmes, et des anesthésies effectuées par les agents de santé non anesthésistes qui exercent surtout dans la partie septentrionale du pays, en raison d’une absence de réglementation de l’exercice de l’anesthésie dans notre contexte). Les EPC ont réalisé près de la moitié (48,38%) des anesthésies, en raison de la qualité des soins (centres privés), ou d’une meilleure accessibilité aux soins (centres confessionnels) ; ces formations sont très appréciées pour la qualité de l’accueil réservé aux patients.
Les caractéristiques des patients
La stratification en âge de nos patients (tableau I), avec 70,7% en dessous de 40 ans, reflète la jeunesse de la population togolaise, à l’instar des autres pays de la sous-région [12,13]. Notre population d’étude est moins « vieille » que celles dans les enquêtes de la SFAR et de la SMAAR [6,7]:les patients de plus de 60 ans représentent 8, 62% de notre série, contre respectivement 33% et18% pour la SFAR et la SMAAR. La prédominance féminine retrouvée dans notre étude tient à l’importance de l’activité anesthésique en gynécologie et en obstétrique dans notre contexte (48,22% des anesthésies) ; notre résultat est superposable à celui de la SFAR. Mais il diffère de celui du Maroc [7] et du Sénégal [12] où une prédominance masculine a été notée (respectivement 52 et 56%). Les anesthésies pour les patients ASA 1 et 2 représentaient 96% de l’activité anesthésique des EPC ; 92,6% de celle des CHU ; et 94% de celle des CHP ; les EPC n’ont pas eu d’activités anesthésiques sur les patients à ASA > 3, contrairement à l’enquête marocaine où le secteur privé prenait en charge volontiers des patients ASA 3 et 4. Dans notre contexte, les structures privées préfèrent référer les patients à risque anesthésique élevé dans les structures publiques, par souci de préserver une bonne réputation.
Pratiques anesthésiques
Dans notre contexte la part des activités d’anesthésie qui incombe aux TSARs (93,7%) fait pratiquement de l’anesthésie une profession paramédicale. Ceux-ci sont formés en 3 ans après le baccalauréat, comme au Maroc. Seuls 22% des anesthésies réalisées par eux sont supervisés par un médecin anesthésiste. Cette situation est classique dans les pays d’Afrique Subsaharienne [14], cependant à Yaoundé, au Sénégal et au Maroc, respectivement 26,5% ; 57% et 78% des anesthésies sont supervisées par un médecin anesthésiste [7, 9,12].Le Togo dispose d’une des plus faibles démographies de médecins anesthésistes de la sous-région Ouest-africaine, avec un ratio d’un médecin anesthésiste pour plus d’un million d’habitants.[10,11]. Les TSAR, bien que formés sur place à Lomé, sont en nombre insuffisant : ainsi il est habituel de n’avoir qu’un seul TSAR par salle opératoire sans autre aide, ce qui rend illusoire la sécurité anesthésique. La consultation anesthésique à distance de l’intervention pour les actes programmés est très insuffisante (30%) ; la situation est satisfaisante dans les CHU (80%), et les EPC de Lomé (90%) où les médecins anesthésistes interviennent. Le taux global de est inférieur à ceux du Maroc (47%) et de Yaoundé (71%) mais il est en constante augmentation. La consultation n’a été initiée au Togo qu’en 2004. Dans notre étude la part de l’anesthésie en urgence était 46,26%, contre 30% au Maroc, et 15,5% dans l’enquête de la SFAR. Ceci pourrait s’expliquer en partie par la propension des patients à recourir le plus tard possible aux soins chirurgicaux par crainte de ne pouvoir faire face aux exigences financières. C’est une situation classique dans la plupart des pays en Afrique subsaharienne[3,12].La faible part relative de l’AG(41%) dans notre étude, par rapport aux données de la littérature internationale(respectivement 73%,71% et 65%, au Maroc, en France, et en Italie) [6,7,15] s’explique par le fait qu’en raison du manque de médecins anesthésistes, les patients justiciables d’AG, réputée plus risquée, sont référés préférentiellement dans les CHU surtout lorsque la classe ASA dépasse 2. Par ailleurs l’AG est sujette à de nombreux reports en raison des difficultés des patients à réunir les matériels et médicaments nécessaires à leur prise en charge chirurgicale. De tous les produits utilisés en AG, l’halothane et l’isoflurane (tableau IV) étaient les seuls halogénés disponibles, et le protoxyde d’azote n’était disponible dans aucun site. Ce dernier produit, qui a bénéficié récemment d’un regain d’intérêt dans les blocs opératoires des pays occidentaux [16], pourrait pourtant contribuer à réduire le coût de l’anesthésie dans un contexte où l’absence de couverture sociale et l’indigence des patients limitent l’accès aux soins chirurgicaux. De façon surprenante la péthidine est encore largement utilisée dans nos structures malgré ses nombreux inconvénients [17].La ventilation mécanique concernait 22,54% des anesthésies générales mais plus de la moitié d’entre elles était réalisée dans les EPC, mieux équipés. La part de l’ALR dans notre enquête, concomitamment à celle de l’AG, était supérieure aux taux observés dans la quasi-totalité des études [6, 7,15] et était de loin dominée par la rachianesthésie (96,36% des ALR). Cette prédominance tient à de nombreux facteurs : facilité de réalisation, faible coût, et autres avantages de la rachianesthésie par rapport à l’AG, mais aussi à la campagne de promotion et de vulgarisation de cette technique initiée par la société togolaise d’anesthésie réanimation et de médecine d’urgence (STARMU) depuis 2005 tant dans la formation initiale des techniciens supérieurs d’anesthésie réanimation (TSAR) que dans leur formation continue (séminaires, ateliers). En outre dans notre contexte, les interventions sous ALR sont moins fréquemment associées à des reports que celles sous AG. C’est en chirurgie obstétricale que la rachianesthésie est le plus pratiquée. Cependant la pratique de la rachianesthésie par les TSAR, sans supervision, pourrait être source de complications parfois graves [14].Les autres types d’ALR, étaient très peu pratiqués : l’anesthésie péridurale lombaire et caudale, les blocs plexiques, et tronculaires, représentaient moins de 4% des ALR, taux superposable à celui du Maroc et à ceux de la plupart des pays de l’Afrique Subsaharienne [12], car nécessitent un matériel rarement disponible dans notre contexte. La promotion de tels types d’anesthésie est une nécessité. L’anesthésie ambulatoire est très peu utilisée dans notre contexte : 3,04% des anesthésies contre 20% au Maroc (1999), 27% en France (1996).Cette faible taux tient autant à l’insuffisance de communication entre les patients ou leurs familles et le personnel soignant en vue d’une bonne application des consignes à observer, qu’au défaut d’utilisation optimale des techniques d’ALR telles que la rachianesthésie unilatérale et les blocs périphériques, bien adaptées au patient ambulatoire tant pour l’anesthésie que l’analgésie [18]. Ce type d’anesthésie gagnerait à être développé pour réduire considérablement le coût des soins sans en altérer la qualité, mais la formation des praticiens reste un préalable. Le monitorage a été insuffisant, avec seulement le tiers des anesthésies sous Cardioscope, et la moitié d’entre elles sous oxymétrie pulsée. Avec l’appareil à TA pour seul outil de monitorage dans la grande majorité des sites, la surveillance peropératoire reste essentiellement clinique. Ces pénuries sont identiques à celles observées un peu partout au Sud du Sahara [19], et contribuent à l’insécurité péri-opératoire. L’oxymètre de pouls qui permet la surveillance des fonctions respiratoire et
cardio-circulatoire pendant l’intervention, est pourtant actuellement sur le marché en versions miniaturisées et à moindre coût, et devrait se trouver dans la trousse de tout anesthésiste. L’équipement de nos sites d’anesthésie selon les normes internationales est une nécessité et une urgence, pour améliorer la sécurité péri-opératoire des patients, en particulier dans le secteur public. La transfusion peropératoire observée dans notre enquête, bien que plus fréquente que dans celle de la SFAR (9,2% versus 2,8%) a été en deçà des besoins en raison de l’accessibilité difficile aux produits sanguins (risque lié au Sida, difficulté d’approvisionnement, coût élevé) [20].La cause la plus fréquente de décès péri-opératoires dans nos structures reste l’anémie [5,13, 21].
Conclusion
La pratique actuelle de l’anesthésie au Togo est marquée par de nombreuses insuffisances en termes de sécurité anesthésique et de bonne pratique clinique au regard des normes internationales, en raison des problèmes de logistique, de personnels qualifiés, et d’indigence de nos populations, auxquels s’ajoutent les problèmes organisationnels. Les priorités que sont la formation des médecins anesthésistes réanimateurs et des TSARs en nombre suffisant , la répartition judicieuse des sites d’anesthésie et des personnels qualifiés sur l’étendue du territoire national, l’équipement, et l’approvisionnement en médicaments essentiels nécessitent de faire l’objet, à partir des résultats de cette étude, d’une attention particulière des pouvoirs publics, en vue d’assoir une politique nationale de prise en charge anesthésique sécuritaire des patients au Togo
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