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Introduction
L’asthme est une affection chronique dont la stabilisation dans la majorité des cas est bonne sous un traitement approprié bien suivi. Cette évolution stable peut être émaillée de crises graves nécessitant la réanimation chez 8-1 2 % des patients en Europe [1, 2]. La prise en charge en soins intensifs est complexe lorsqu’une assistance ventilatoire est nécessaire. Ces dernières années beaucoup de progrès ont été faits et les recommandations de bonne pratique sont établies, En dépit de ces progrès la mortalité reste importante aux soins intensifs 7% en Grande-Bretagne [3] et plus de 70% de décès chez les patients nécessitant une ventilation artificielle [4]. Les données concernant ces patients sont rares en Afrique et particulièrement en Côte d’Ivoire. De nombreux malades asthmatiques sont pourtant admis dans les services de réanimations. L’évaluation de la prise en charge de ces patients dans notre service, permet de mettre à la disposition des spécialistes en charge de la maladie asthmatique, des informations pertinentes pour trouver une stratégie de prévention des crises d’asthme en générale et en particulier les crises sévères.
Patients et méthodes
Il s’agit d’une étude rétrospective concernant les patients hospitalisés pour l’asthme aigu grave en réanimation du CHU de Yopougon d’Abidjan entre janvier 2003 et décembre 2007.tous les patients ont été traités selon un protocole associant d’emblée les bêtamimétiques, les corticoïdes, l’adrénaline et les aérosols de bêtamimétiques selon les modalités décrite au tableau I ci-dessous
Oxygénothérapie au masque 6-10ml/mn
Ventilation artificielle en mode assisté selon le degré de la détresse ventilatoire.
Les données sont issues des dossiers. La gravité de l’asthme était déterminée par les critères de la conférence de consensus 1988auxquels l’inefficacité du traitement des premières 24h était prise en compte. L’analyse des données est faite sous le logiciel épi-info version 6.en utilisant le test de Student et le Khi Deux avec une différence jugée significative pour un risque p< 0,05.
Résultats
Au cours de la période d’étude, 1175 patients ont été hospitalisés dont 1,02% (n=12) pour asthme aigus grave. Les patients étaient composés de 8 femmes et 4 hommes soit un sexe ratio homme femme est de 1/2. L’âge moyen est de 40 ±17 avec des extrêmes de 11 ans et 67 ans. Les causes d’aggravation étaient les infections chez 3 patients dont 2 cas de sinusite et 1 pneumopathie. Chez 75% des patients, L’irrégularité des traitements est le facteur le plus important puis viennent les insuffisances thérapeutiques. Un seul patient était suivi régulièrement par un spécialiste, 3 étaient irrégulièrement vus par un spécialiste. 5 consultent de temps en temps un médecin généraliste qu’ils ont l’habitude de voir, pour les autres aucun suivi n’a été retrouvé. Le délai de prise en charge moyen est de 20 H. la répartition selon la latence d’hospitalisation est représentée par le graphique ci- dessous. 33% (n=4) présentaient des troubles neuropsychiques et 16% (n=2) étaient comateux. Les facteurs de comorbidité étaient retrouvés étaient l’hypertension artérielle, l’obésité, l’insuffisance rénale et les accidents vasculaires cérébraux (tableau III)
La saturation en O2 à l’oxymétrie de pouls est < 70% chez 10 malades 90% chez les 2 autres patients
Discussions
L’asthme aigue grave représente 1% des admissions du service. Les critères de gravité étaient inspirés de la conférence de consensus 1988. Les difficultés de prise en charge étaient dominées par les contraintes de laventilation artificielle et l’indisponibilité des gaz du sang. La surveillance des malades était clinique. Les causes de l’aggravation de l’asthme sont variables. Pour Brinke et al [5], les infections pulmonaires récurrentes sont en tête, suivi du reflux gastro-oesophagien et les sinusites chroniques sévères. Dans notre travail, 25% (n=3) des malades présentaient une infection (2 ORL. Et 1 pulmonaire), dans les autres cas, l’irrégularité du suivi et l’absence de traitement approprié étaient souvent retrouvés. Le motif le plus courant du mauvais suivi est souvent l’absence d’adhésion au protocole thérapeutique proposé par le médecin qui n’est souvent pas un spécialiste. Dans notre série il n’y a qu’un seul suivi dont le médecin couramment vu est un spécialiste ; dans les autres cas il s’agit de médecins généralistes régulièrement consulté en cas de décompensation. Au Canada, dans une étude multicentrique note que malgré l’évolution des moyens pharmacologiques et l’application de protocoles thérapeutiques consensuelles, les asthmatiques sont encore mal suivi ce qui explique les crises d’asthme grave et la mortalité élevée [6]. Aux Etats-Unis de nouvelles perspectives ont été envisagées pour aider les praticiens à faire les meilleurs choix possible et faire adhérer les patients à un traitement plus [7]. Le traitement de la crise d’asthme doit être précoce et suffisamment intense. C’est la réponse au traitement dans les meilleurs délais qui détermine le pronostic et non l’acuité de la crise elle-même ou le degré d’obstruction bronchique évalué par le peakflow [8]. Les patients dont le pronostic vital dans l’immédiat n’est pas en jeu, vont nécessiter un traitement aux urgences de 4-6 heures avant la décision du transfert aux soins intensifs et 77% des patients sont stabilisés aux urgences en moyenne au bout de 2 heures de traitement [9, 10]. L’épuisement respiratoire et les troubles neuropsychiques sont les principaux motifs d’admission précoce en réanimation [4, 9]. 65% de nos patients ont été admis pour les troubles de la conscience. Le transfert dans notre service de réanimation a été fait après les premières 24h dans plus de 66% des cas (n=8). Les raisons sont multiples : l’absence d’un avis spécialisé précoce ne permet pas une évaluation adéquate et l’état clinique peut être mal estimé par le praticien recevant le malade mais c’est surtout la surveillance des patients par les parents de malades qui constitue le principal facteur des retards de transfert en réanimation. La reconnaissance de l’aggravation de la crise d’asthme au cours du traitement dépend du niveau social du parent et de son expérience. Aux soins intensifs la thérapeutique est d’emblée agressive et maximale.
Elle associe l’oxygénothérapie, le salbutamol, l’adrénaline en administration continue par pousse seringue électrique, terbutaline en sous-cutanée et la méthylprednisone en bolus intraveineux toutes les 8 heures comme mentionné au tableau1. La théophylline et le bromure d’ipratropium ne sont pas couramment utilisés dans le service. L’apport de la nébulisation des anticholinergiques tel que le bromure d’ipratropium en association avec le salbutamol en urgence est controversé [8]. L’efficacité des méthylxanthines notamment la théophylline en urgence est discutée [4]. Nous ne l’utilisons pas cependant pour certains auteurs et dans les directives consensuelles, la théophylline est réservée en deuxième intention [8, 9,11] a contrario certains anciens travaux estiment qu’ils existent suffisamment de données qui montrent l’efficacité de la théophylline après les premières 24 heures de plus ses effets bénéfiques sur la contraction du diaphragme et son action anti-inflammatoire militent pour son utilisation dans la crise aigue grave [4]. Les corticoïdes sont largement indiqués par voie systémique. Ils accélèrent la résolution de la crise. L’action des corticoïdes utilisés seuls est tardive, leur effet est notable à partir de la 6ème heure. Ils doivent être administrés précocement dès les premiers signes [11, 12, 13, 14]. Dans notre pratique tous les patients reçoivent systématiquement de la méthylprednisone à raison de 120mg en dose de charge suivi de 80 mg toutes les 8h associée à la Ranitidine 300mg par jour à visée protectrice contre les ulcères digestifs.
La corticothérapie locale permet d’accélérer la bronchodilatation. Rodrigo G et al [15], ont démontré que de forte dose de corticoïdes 18mg de flunisolide en 3 heures associés au β2-mimétique accéléraient la résolution de la bronchoconstriction aigue. La nébulisation des β2-mimétiques serait aussi efficace que la voie intraveineuse et serait le meilleur moyen bronchodilatateur d’où son indication en première intention [4, 10]. Aux soins intensifs nous optons d’emblée pour l’administration systémique en intraveineux en raison de la gravité de la situation. L’arrêt respiratoire ou le degré de la détresse respiratoire rendrait la nébulisation inefficace. Il en est de même pour la terbutaline administrée en sous-cutanée. Nous l’utilisons systématiquement en sous cutanée dès les premières heures. L’administration de la terbutaline et de l’adrénaline en sous-cutanée sont préconisées par certains auteurs en deuxième intention lorsque la réponse à la nébulisation du salbutamol n’est pas satisfaisante [4, 16, 17, 18].
La ventilation artificielle est indiquée chez le patient inconscient, en arrêt respiratoire. Elle est délicate car les pressions intrathoraciques de l’asthmatique sont déjà importantes [19, 20]. Le pronostic du patient asthmatique sous respirateur est mauvais, le taux de mortalité est supérieur à 50% et atteint 80% dans certaines études [4, 21]. Dans notre série ou 4 patients ont été mis sous ventilation contrôlée, la moitié de ces patients (50%) est décédée. L’indication de la ventilation artificielle avec intubation trachéale doit être repoussée le plus loin possible grâce à une thérapeutique agressive maximale et une surveillance attentive et intensive [23]. Pour toutes ces raisons, notre attitude en réanimation est l’utilisation simultanée précoce des médicaments dits de première ou de deuxième ligne et abstention le plus longtemps possible de l’indication de la ventilation contrôlée. Actuellement la ventilation non invasive permet d’éviter l’intubation trachéale mais elle n’est pas encore disponible dans les services de réanimation à Abidjan. Elle offre une alternative sécurisante, efficace à la ventilation invasive avec possibilité d’utilisation à domicile [23].
L’évolution de l’asthme en réanimation est une source d’inquiétude en raison de la gravité du tableau clinique. Les durées d’hospitalisation excèdent rarement les 72 heures. La mortalité est importante et pourrait être améliorée grâce à la reconnaissance précoce de la gravité de l’asthme à l’admission des patients et leur transfert aux soins intensifs sans attendre l’inefficacité d’un traitement aux urgences [24, 25, 26]. L’asthme aiguë grave peut être prévenu par des mesures thérapeutiques appropriées en amont impliquant : le spécialiste, le médecin généraliste et les urgentistes. Ces mesures ne doivent pas être exclusivement médicamenteuses, elle doit comporter les protocoles de sensibilisation des patients à l’adhésion des traitements recommandés et les séminaires de formations des médecins à la prise en charge de ces patients.
Conclusion
L’asthme aigue grave en réanimation est une affection de pronostic sévère. La prise en charge hors mis la ventilation artificielle est simple car l’arsenal thérapeutique est limité. En effet les médicaments de l’asthme sont peu nombreux et les protocoles thérapeutiques varient peu quel que soit le milieu du traitement. L’amélioration de la crise d’asthme dépend de la réponse du patient aux différents produits utilisés. Les résultats obtenus sont fonction essentiellement du patient et de la qualité du suivi thérapeutique antérieur. La mise en place de directives permettant aux médecins en général de mieux sensibiliser les patients et d’obtenir d’eux un meilleur comportement dans le contrôle et la prévention des crises d’asthme. Une telle stratégie permettra d’éviter le recours aux soins intensifs et de réduire la mortalité par crise d’asthme.
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