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avril 2013, par
, , , , ,Auteur correspondant : Gilbert Fabrice OTIOBANDA. E-mail : otiobandagilbertfabrice chez yahoo.fr
Résumé
Summary
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Longtemps classée dans les maladies rares en Afrique noire, l’hypertension artérielle (HTA) est considérée aujourd’hui comme un problème de santé publique du fait de sa prévalence élevée [1]. Elle est la pathologie associée la plus fréquente chez les patients devant subir une anesthésie, c’est dire la fréquence avec laquelle le médecin anesthésiste réanimateur est confronté à la prise en charge d’un opéré hypertendu [2].
En période opératoire les différents stimuli exposent les patients hypertendus non équilibré à une instabilité hémodynamique délétère pour les organes cibles (coeur, rein, cerveau). L’HTA constitue alors un facteur qui impose la normalisation préalable des chiffres tensionnels [3]. Chez ces patients, la préparation à l’intervention, la conduite de l’anesthésie et des soins post opératoires doivent assurer une stabilité tensionnelle, pour limiter les risques de survenue de complications cardiovasculaires auxquelles ces malades sont particulièrement exposés. Ainsi la prise en charge anesthésique d’un patient hypertendu est un problème quotidien qui soulève de nombreuses interrogations : retentissement circulatoire, évaluation du risque de complications, gestion des traitements antihypertenseurs et des variations tensionnelles peropératoires. Notre travail réalisé au niveau du bloc opératoire du CHU Aristide Le Dantec avait pour objectif d’évaluer la prise en charge anesthésique des patients hypertendus
Notre étude a été réalisée dans le service d’anesthésie-réanimation de l’hôpital Aristide Le dantec de Dakar. Il s’agit d’une étude transversale, descriptive, s’étendant sur une période de 18 mois allant mars 2007 à aout 2008. On s’est fixé comme objectifs spécifiques de déterminer : la prévalence de l’HTA en milieu chirurgical, le niveau d’équilibre de l’HTA, la qualité de la préparation pré opératoire, le type d’anesthésie , le type de chirurgie et la nature des complications.
Les patients inclus dans cette étude devaient obéir aux critères suivants : subir une chirurgie réglée ou urgente au bloc opératoire central durant la période d’étude, être hypertendus, connus ou de découverte fortuite lors de la consultation pré anesthésique. Les critères de non inclusion ont été l’absence d’une notion d’hypertension artérielle dans les antécédents et après examen clinique.
Pour recueillir les données, nous nous sommes servis du registre du bloc opératoire et des feuilles d’anesthésie.
Nous avons étudié les données épidémiologiques, les données concernant l’hypertension artérielle, l’évaluation pré opératoire, le caractère et le type de chirurgie, les complications per opératoires et l’évolution.
Les résultats étaient exprimés en valeur moyenne ou en pourcentage. Le logiciel utilisé était Excel 2003
Durant la période d’étude, 218 dossiers de patients hypertendus ont été colligés sur un total de 4520 soit une prévalence de 4,82%.L’âge moyen de nos patients était de 62,9 ans (extrêmes : 30 et 98 ans).On a noté 147 femmes (67, 4 %) et 71 hommes (32, 6 %) soit un sex ratio de 2,07. Le diabète a été le facteur de risque le plus retrouvé (24,3%).Le tableau I montre les différents facteurs de risque associés.
Les patients étaient connus hypertendus dans 90,4% des cas et 57,4% ont subi une chirurgie en urgence. Le tableau II montre le mode de révélation de l’HTA et le caractère de la chirurgie.
Un traitement était prescrit chez 150 patients (68,8 %). Ce traitement était régulier dans 78,7 % des cas et irrégulier dans 21,3% des cas. Il s’est agit d’une bithérapie dans 44,7 % des cas, une monothérapie dans 25,3 % et une trithérapie dans 4,7 %. L’ HTA était contrôlée chez 190 patients (87,2 %). La préparation pré opératoire
avait concerné 28 patients (12,8 %) dont 22 en chirurgie programmée (78,5%) et 6 en urgence (21,5%). A l’issue de cette préparation, la pression artérielle avait pu être maitrisée dans 4 cas (14, 3 %). La durée moyenne de cette préparation était de 16,3 jours (extrêmes 2 et 60 jours). La molécule la plus utilisée était la nicardipine (91 %).
L’ECG était réalisé chez 179 patients (82,1 %). Plus de la moitié a concerné la chirurgie urgente (62,6%) ; l’échographie Doppler cardiaque était faite chez 8 patients (3,7 %) ; la radiographie du thorax était effectuée chez 7 patients ; le bilan rénal notamment la créatininémie a été réalisée chez 59 patients (27%) ; l’ionogramme sanguin était réalisé chez 15 patients (6,8 %). On a noté 6 cas d’hyponatrémie et 3 cas d’hypokaliémie.
Nos patients étaient classés ASA 2 (61,5 %), ASA 3(32,1%) et ASA 4 (6,4 %).
L’anesthésie générale était la technique la plus utilisée (146 cas), suivie des anesthésies péri médullaires. Le tableau III représente les différents types d’anesthésies réalisés.
Les différents hypnotiques utilisés pour l’anesthésie générale sont représentés dans le tableau IV.
Plus de la moitié des patients étaient opérés en urgence. La chirurgie viscérale et la chirurgie orthopédique étaient les types de chirurgie les plus fréquents. Le tableau V montre les différents types de chirurgie concernés en fonction du contexte.
Les complications cardiovasculaires étaient observées dans 53 cas (24, 3%), dominées par l’hypotension artérielle. Les autres complications cardiovasculaires étaient essentiellement la bradycardie, l’HTA et les troubles de rythme dans les proportions plus faibles. Le tableau VI représente les différentes complications observées
Les complications hémorragiques étaient notées dans 4 cas (1,8 %) avec un retentissement hémodynamique important. Elles concernaient des patients devant subir une amputation de membre. Une transfusion sanguine a été réalisée dans tous les cas.
Elle était simple chez 211 patients (96,7 %). On avait noté six cas (2,8 %) de complications post opératoires (cinq cas de retard et un cas d’instabilité hémodynamique majeure). On a noté un cas de décès en urgence. En effet, il s’agissait d’un patient présentant une gangrène mixte de la jambe, chez qui une amputation de jambe était indiquée. L’ECG réalisé objectivait un bloc bifasciculé. Le reste du bilan à savoir l’échographie Doppler cardiaque et la fonction rénale n’étaient pas réalisés. Après une induction réalisée avec le diazépam associé au fentanyl et le vécuronium, la patiente a présenté un désamorçage à l’induction.
Cette étude nous a permis de mettre en évidence la prévalence de l’HTA en milieu chirurgical, ainsi que la proportion des hypertendus connus et méconnus dans ce milieu. Elle a aussi permis de révéler dans le même contexte la proportion des hypertendus traités et contrôlés. De même, les différents examens complémentaires, le type d’anesthésie réalisé et les complications observées ont été notées.
La prévalence de l’HTA ainsi rapportée chez les patients en milieu chirurgical était de 4,82 %. Cette dernière est bien en dessous des 12,6 % rapportés par Binam au Cameroun [3]. Elle est de loin très faible par rapport à d’autres séries des services de médecine en Afrique, en Europe ou en Amérique ainsi, Kane au Sénégal rapporte une prévalence de 25% [5], l’étude PHARE en France 44,8 % [5] et l’étude NANHES III en Amérique du Nord de 27 % [6].
Notre faible prévalence s’explique par l’âge jeune des patients opérés durant la période d’étude mais aussi par le fait que certaines spécialités notamment l’urologie, l’ophtalmologie et la chirurgie vasculaire prenant en charge les patients âgés n’ont pas fait partie de l’étude.
L’âge moyen de nos patients se rapproche des autres séries africaines et européennes [3,7].
La prédominance féminine retrouvée dans notre série est à l’image de la répartition de l’HTA dans la littérature sous régionale et régionale sur la maladie hypertensive. En effet, nos résultats se rapprochent de ceux déjà trouvés au Sénégal [9], au Burkina-Faso [9], au Mali [10] et au Congo [11]. Par contre, cette tendance s’inverse au profit d’une prédominance masculine à Madagascar [12] au Cameroun [3] et en France [13]. Cette prédominance s’explique par le fait que 70 % de nos patients sont âgés de plus de 60 ans. Il semble qu’une diminution du taux d’oestrogènes au cours de la ménopause entraîne une baisse de la cardioprotection ; ce qui expose davantage les femmes à l’HTA [14].
Le diabète est le facteur de risque associé le plus retrouvé avec 24,3 %, suivi de l’obésité avec 9, 6 % et le tabac 0,5 %. Chamantin en France retrouve 19% de tabagisme et 15% de diabète [5]. L’enquête PHASTE retrouve 17% de diabète et 19 % de tabagisme associé à L’HTA [7].
La prédominance de l’obésité et du diabète dans notre étude serait liée aux habitudes alimentaires. En effet la population dakaroise consomme une alimentation très riche en lipides qui serait favorable à la survenue du diabète et de l’obésité. L’hypercholestérolémie n’a pas été recherchée dans notre étude. Le faible taux de tabagisme retrouvé s’explique par la prédominance féminine associée à une plus faible prévalence du tabagisme. L’absence d’alcoolisme pourrait s’expliquer par la religion.
La proportion des hypertendus connus et suivis, de 90,4% dans notre étude est largement supérieure au 31,7% retrouvé par BINAM au Cameroun [3] .Ceci s’explique par un important travail de sensibilisation sur la prise de conscience du phénomène de l’HTA par nos populations ces dernières années. Une très faible proportion était notée en Afrique il y a environ 25 ans [15]. Parmi les patients hypertendus, un traitement était prescrit dans 68,8% des cas, et il était régulier dans 78,7% des cas. Des taux similaires ont été rapportés à Dakar en 2005. Cette bonne observance thérapeutique s’explique par la prise de conscience des populations de cette pathologie mais aussi et surtout par le nombre croissant des médecins prenant en charge cette dernière. La moitié de nos patients recevait une association thérapeutique. Ces données confirment celles de la littérature [14]. En effet les associations thérapeutiques permettent de réduire les doses de chaque classe avec un effet additif ou de potentialisation, pour obtenir un contrôle satisfaisant de la pression artérielle ; les diurétiques étant la classe la plus associée [16]. Un contrôle de la pression artérielle était constaté dans 87,2% des cas. Ce taux est largement supérieur des niveaux de contrôle de la tension artérielle retrouvée dans la littérature sur la prise en charge de la maladie hypertensive qui est de l’ordre de un tiers des patients sous traitement [17,3]. Par contre, chez 12,8% de nos patients un équilibre tensionnel n’était pas obtenu. Ces derniers avaient ainsi bénéficiés d’une préparation préopératoire à la suite de laquelle l’HTA avait pu être maitrisée dans 85,7% des cas. Cette préparation avait concerné essentiellement les patients de la chirurgie programmée et les urgences différées en orthopédie.
Conformément aux recommandations 82,1% de nos patients avaient bénéficié d’un ECG et l’échographie Doppler cardiaque n’était réalisée que dans 3,21% des cas. Elle avait concerné des patients ayant présenté des anomalies importantes à l’ECG, une symptomatologie clinique de l’insuffisance cardiaque et/ou qui devaient subir une chirurgie lourde. La fonction rénale notamment la créatininémie était réalisée dans 27% des cas. L’ionogramme sanguin dans 6,8% des cas préférentiellement chez les patients sous diurétiques. La radiographie du thorax dans 3,2 % des cas et le fond d’oeil chez un patient. La faible proportion des examens complémentaires s’explique par la non disponibilité de ces derniers, surtout dans le cadre de l’urgence mais aussi pour des raisons financières. La non disponibilité de ces examens complémentaires surtout en urgence, pose le problème du bilan de retentissement viscéral de l’HTA qui est une importance capitale en préopératoire.
Au terme de l’évaluation pré opératoire 93,6% de nos patients ont été classés ASA 2 et 3
La chirurgie urgente était prédominante dans notre étude. Plus de 60% des cas avaient concerné la chirurgie viscérale. Cette proportion importante de la chirurgie viscérale s’explique par le fait que les urgences viscérales sont vitales alors que celles orthopédiques sont surtout fonctionnelles et parfois différables, ce qui donne le temps de mieux évaluer et de mieux préparer les patients à l’intervention. L’anesthésie générale avec intubation orotrachéale était préférée par rapport aux autres techniques d’anesthésie du fait du caractère urgent de la chirurgie et de la proportion importante de la chirurgie viscérale. En effet, avec l’anesthésie générale, il est plus facile de maitriser les variations tensionnelles per opératoires.
Les benzodiazépines étaient la classe des hypnotiques les plus utilisées dans 50 % des cas, suivi du thiopental 34,9% des cas, le propofol 17,1% et la kétamine 1,4%. L’utilisation des benzodiazépines s’explique par leur effet moindre sur le système cardiovasculaire [17]. Le thiopental était utilisé par titration pour minimiser ses effets sur le système vasculaire. L’utilisation limitée du propofol s’explique par son effet hypotenseur très marqué dans la mesure où nous ne pouvions pas l’utiliser en AIVOC. De plus, son coût élevé constitue un véritable frein à son utilisation dans les pays en voie de développement. La kétamine bien que non indiquée chez l’hypertendu [18] était utilisée chez des patients présentant un état de choc à l’admission. Le fentanyl était le seul morphinomimétique utilisé, à une dose minimale de 4 microgrammes par kilogramme de poids, du fait de sa puissance analgésique, sa durée d’action intermédiaire, sa bonne tolérance hémodynamique et surtout sa disponibilité. L’entretien de l’anesthésie était assuré par l’halothane car seul halogéné disponible, malgré son effet cardiodépresseur majeur comparé à l isoflurane qui est l’agent idéal pour un patient hypertendu. L’anesthésie perimédullaire était réalisée dans moins d’un tiers des cas. Cela est dȗ au fait que la plupart de nos patients étaient admis pour des urgences abdominales ne permettant pas la réalisation d’une anesthésie péri médullaire. La rachianesthésie conventionnelle était plus utilisée du fait de sa facilité de réalisation tant sur le plan technique que de la disponibilité du matériel. Par ailleurs les blocs rachidiens exposent à un risque d’hypotension plus marquée que chez les patients normo tendus, en particulier chez les patients traités par un diurétique ou par un IEC [19].
Les blocs périphériques étaient très peu utilisés malgré leur innocuité. Cela s’explique par des difficultés matérielles et par les contraintes du siège de l’intervention.
Complications per opératoires
Les complications per opératoires observées étaient essentiellement cardiovasculaires avec une prédominance de l’hypotension artérielle. En effet l’hypotension artérielle demeure en pratique le risque principal associé à une surmortalité et à une surmorbidité. Cette hypotension artérielle s’explique par des posologies élevées de morphinomimétiques dans le cadre d’une anesthésie générale ou à l’effet exagéré du blocage sympathique lorsqu’il s’est agit d’une anesthésie péri médullaire notamment la rachianesthésie. Les deux cas d’ESV observées étaient survenus chez des patients présentant ces anomalies à l’ECG, exagérées en per- opératoire avec l’utilisation de l’halothane. Quelques épisodes d’HTA étaient observés en peropératoire chez cinq patients dont la PA n’avait pu être maitrisée en préopératoire ayant nécessité ainsi l’administration d’un anti hypertenseur en intraveineux (la nicardipine).
Les complications hémorragiques étaient essentiellement liées à la chirurgie.
Evolution
L’évolution était favorable dans la majorité des cas dans notre étude. Les patients ayant présenté des complications étaient tous admis en réanimation avec une évolution favorable dans les 48 heures. Les retards
de réveil observés s’expliquaient par des doses relativement importantes de morphiniques. Le décès a concerné une patiente admise en urgence et présentant des anomalies importantes à l’ECG ; l’échographie doppler
cardiaque n’étant pas disponible. Elle avait présenté un désamorçage à l’induction de l’anesthésie. Ce taux faible de complications s’explique par le fait que la majorité de nos patients sont connus hypertendus et
régulièrement suivis. Ce qui réduirait le nombre et la gravité des défaillances d’organes. Mais également par le fait que nous n’avons pris en charge que la période post opératoire immédiate. De nombreuses études montrent que l’HTA demeure un facteur de risque impliqué dans la mortalité et la morbidité peri opératoire mais ces résultats demeurent controversés [20,21]. Les complications sont plus observées dans la période post opératoire tardive, elles sont le plus souvent dues à une altération myocardique [20,22. Une étude prospective incluant un suivi postopératoire plus prolongé est nécessaire dans notre service pour mieux évaluer l’effet de l’anesthésie chez les patients hypertendus, à moyen et à long terme.