Introduction
Les traumatismes de l’uretère constituent une complication fréquente de la chirurgie gynécologique ou obstétricale [1]. Il s’agit d’un problème médico-légal important qui nécessite une attention particulière. Les rapports anatomiques étroits entre les organes génitaux féminins et l’appareil urinaire expliqueraient la survenue des lésions iatrogènes urétérales dont la gravité est liée d’une part aux séquelles qu’elles peuvent engendrées et d’autre part aux possibles retentissements sur le haut appareil urinaire [1]. La fréquence réelle de ces traumatismes reste difficile à évaluer, du fait d’un nombre important de cas non rapporté [2]. La littérature anglo-saxonne ne rapporte que 608 cas en 17 ans [2]. Aussi, au Congo –Brazzaville, une étude préliminaire n’a recensé en 1999 que six cas [3]. Le présent travail se propose de déterminer les caractéristiques épidémiologiques, cliniques, para cliniques, thérapeutiques et évolutives de ces traumatismes dans notre service et de comparer ces résultats aux données de la littérature.
Patients et méthodes
Il s’agissait d’une étude rétrospective, qui a porté sur les dossiers médicaux des patientes prises en charge pour traumatisme de l’uretère au cours des interventions gynécologiques ou obstétricales de janvier 2004 à décembre 2008, dans le service d’urologie-andrologie du CHU de Brazzaville. Les paramètres suivant ont été analysés :
– Données épidémiologiques : la fréquence, l’âge,
– Données cliniques : le type de chirurgie en cause, lésions urétérales occasionnées, modalités diagnostiques (per ou post opératoire), manifestation clinique, le type de lésion urétérale, les résultats de l’examen clinique,
– Données para-cliniques : échographies et urographies intra veineuses,
– Données thérapeutiques : délai de prise en charge, le traitement adopté et l’évolution avec un recul moyen de 24 mois (extrêmes : 3 et 48 mois).
Résultats
Pendant la période d’étude, 1812 patients ont été hospitalisées dans le service d’urologie - andrologie, parmi lesquels, 17 cas (1%) de traumatismes de l’uretère chez la femme. Les traumatismes ont intéressé les patientes âgées en moyenne de 46,5 ans (extrêmes : 23 et 74 ans).
Les interventions en causes étaient : la césarienne (n=2), la myomectomie (n=2), l’hystérectomie pour cancer de l’endomètre (n=5), l’hystérectomie pour tumeur bénigne (n=8).
Les lésions retrouvées dans ces différentes interventions se répartissaient comme suit : fistules urétéro-vaginales (12 cas), ligature de l’uretère (3 cas), section de l’uretère (2 cas).
La lésion de l’uretère était à droite dans 8 cas, à gauche dans 6 cas et bilatérale dans 3 cas. La lésion vésicale associée était retrouvé dans 4 cas.
Le diagnostic était per opératoire dans 1 cas (section du segment pelvien de l’uretère gauche), post opératoire dans 16 cas. Le tableau clinique chez ces dernières était marqué par : une péritonite urineuse (1 cas) une anurie (3 cas), une perte d’urine par le vagin (12 cas).
Sur le plan para clinique : l’échographie abdominale a été réalisée chez 3 patientes ayant présentée une anurie post opératoire, elle a révélé une dilatation des cavités rénales dans 2 cas. Dans 1 cas, l’échographie n’était pas contributive au diagnostic. L’urographie intraveineuse a été faite chez 12 patientes présentant une perte d’urine par le vagin ; elle avait montré une communication entre uretère et vagin dans tous les cas.
Le délai moyen de prise en charge était de 12 jours (extrêmes : 30 minutes et 2 mois).
Le traitement réalisé était :
– Une suture urétérale termino-terminale dans 1 cas (devant la section de l’uretère)
– Une réimplantation urétéro-vésicale dans 10 cas (pour fistule urétéro-vaginale)
– Une réimplantation urétéro-vésicale + suture de la plaie vésicale dans 4 cas (pour fistule urétéro-vaginale et vésico-vaginale)
– Une néphrectomie gauche dans 1 cas (pour lithiase coralliforme et rein muet)
Sur le plan évolutif, les résultats étaient bons dans 15 cas. Dans 2 cas, les suites opératoires ont été mauvaises, marquées par 1 cas de sténose néoméatale et 1 cas de suppuration pariétale.
La conduite adoptée était l’administration d’une antibiothérapie à large spectre et des soins locaux dans le deuxième cas. Tandis que le cas de la sténose du néo méat a été perdu de vue.
Discussion
Les traumatismes de l’uretère au cours de la chirurgie pelvienne chez la femme sont relativement rares. L’incidence varie entre 0,4 et 2,5 % des interventions en chirurgie gynéco-obstétricale [4.]. Dans notre pratique, nous avons recensé 17 cas en 5 ans. Ghozzi et coll. en Tunisie [5], rapportent 38 cas en 32 ans.
L’âge moyen des patientes de cette série est de 46,5 ans. Il est de 35 ans pour Rafique et coll. au Pakistan [6], et de 36 ans pour Hounasso et coll. au Benin [7].
L’uretère peut être lésé tout au long de son trajet retro péritonéal, mais la majorité des complications s’observe au niveau du segment pelvien. Bien que la chirurgie gynécologique et obstétricale est responsable d’un grand nombre de lésions urétérales (50%), d’autres types de chirurgie sont incriminés : urologique (35%), digestive (15%), vasculaire (5%) [8]. L’atteinte de l’uretère est la lésion la plus redoutée de l’hystérectomie, telle dans notre étude. Sa survenue peut être expliquée d’une part par les modifications des rapports et la déformation des plans tissulaires [3,9], d’autre part par le type de chirurgie.
Le diagnostic des lésions de l’uretère est le plus souvent fait à distance de l’intervention chirurgicale causale, et cela fait appel à l’échographie, l’urographie intra veineuse et parfois l’uro-scanner [10,11]. Il est rarement fait en per opératoire [3]. L’imagerie est une étape essentielle du diagnostic, d’autant que les lésions peuvent être associées ou bilatérales. L’échographie permet de rechercher une éventuelle dilatation rénale. L’échographie rénale reste indiquée dans les suites d’une intervention gynécologique, ce qui est inconstamment réalisé dans notre pratique [12]. L’urographie intraveineuse est indispensable pour apprécier le degré et le niveau d’obstruction. Même en cas de fistule bien drainée, il existe toujours au début une participation obstructive par urétérite sténosante [13].
La prise en charge des traumatismes de l’uretère fait recours à de multiples Techniques. L’attitude chirurgicale dépend du type et du niveau de la lésion, de la pathologie initiale en cause, du délai avec lequel la patiente a été adressée et de son état physiologique. Les possibilités thérapeutiques comprennent l’endourologie (sonde JJ ou néphrostomie per cutanée), la réimplantation urétéro-vésicale avec ou sans vessie psoïque, l’anastomose urétéro-urétérale [10]. Selvan et coll. [14] sur une série de 165 cas, utilise la chirurgie ouverte dans 51% des cas et l’endo-urologie dans 49% des cas. Dans notre série l’endo-urologie n’est pas utilisée, du fait de l’insuffisance du plateau technique, et la chirurgie ouverte est pratiquée chez toutes les patientes avec de bons résultats. Cette tendance n’est pas observée chez d’autres auteurs qui pratiquent le traitement endo-urologique en première intention [10,11]. Les autres techniques comme la trans urétéro-urétérostomie, l’uretère iléal, l’auto-transplantation sont exceptionnelles [15]. La néphrectomie est le dernier recours, et doit être réservée aux cas où les autres traitements seraient impossibles, trop risqués ou déraisonnables (âge avancé du patient, mauvais état général, existence d’une prothèse vasculaire). Elle a été pratiquée chez une patiente dans notre étude, cette patiente avait une lithiase coralliforme d’un rein. Elle représente 4% des cas dans la série de Selvan [14].
Bien que les résultats dans notre série soient satisfaisants, la survenue des complications est possible à type de sténose du méat (la patiente a été perdue de vue), et de suppuration pariétale, ayant une bonne évolution sous antibiothérapie et soins locaux.
Conclusion
Les traumatismes de l’uretère au cours de la chirurgie pelvienne chez la femme ne sont pas rares dans notre contexte. Ils sont le plus souvent dus à l’hystérectomie, La prévention de ses lésions comprend une bonne connaissance de l’anatomie de l’uretère pelvien chez la femme, une pratique chirurgicale attentive avec reconnaissance per opératoire des lésions, une parfaite collaboration uro-gynécologue pour une meilleur prise en charge.
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