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juillet 2011, par
, , , , , ,Correspondant gilfab2000 chez yahoo.fr
Mots clés : rachianesthésie continue, rétrécissement aortique, adénomectomie prostatique
Key words : continuous spinal anesthesia, aortic stenosis, prostatic adenomectomy.
Les blocs centraux (rachianesthésie, rachianesthésie continue, anesthésie péridurale, peri-rachianesthésie combinée) sont des anesthésies simples, fiables et efficaces, de plus en plus utilisées ces dix dernières années [1]. Ces techniques ne sont pas recommandées chez les patients présentant un rétrécissement aortique (RAo) serré. Le principal risque est le désamorçage de la pompe cardiaque secondaire à une vasoplégie induite par le bloc sympathique. La rachianesthésie continue (RAC), contrairement à l’injection unique, permet une titration des anesthésiques locaux et, de ce fait, une diminution des répercussions hémodynamiques [2]. Elle est alors une alternative chez les patients à haut risque cardiaque, ayant une chirurgie abdominale basse, du petit bassin ou des membres inférieurs.
Nous rapportons notre expérience de la rachianesthésie continue au cours de la chirurgie prostatique chez deux patients présentant un rétrécissement aortique serré.
Un homme de 68 ans (90 kg, 162 cm), présentant une tumeur prostatique a subi un évidement cervico prostatique sous rachianesthésie continue. Il présentait comme antécédent une hypertension artérielle traitée avec le captopril à raison de ½ comprimé par jour. L’examen clinique retrouvait des souffles et évoquait un rétrécissement aortique (RAo) et une insuffisance mitrale, une pression artérielle à 180/100mmHg, une fréquence cardiaque à 92 bpm.
L’électrocardiogramme retrouvait une hypertrophie ventriculaire gauche, un bloc de branche droit incomplet et une ischémie en apicale. Le bilan biologique initial comprenait : un hémogramme Hb=14,9g/dl ; Ht=48,2% ; plaquettes=180.000/mm3, une créatininémie à 14,9g/l, un bilan d’hémostase TP=87,6% ; TCK= 38,9 ; GSRh=O positif). L’échocardiographie pré opératoire confirmait la sténose aortique avec une surface à 0,5m2, un gradient transaortique moyen à 45 mmHg,un flux ejectionnel systolique maximal à 3,35 cm une hypertrophie ventriculaire gauche, une insuffisance mitroaortique modérée et une fraction d’éjection estimée à 55%. En pré opératoire, la dose de captopril a été prescrite à raison de 1cp/jour et l’enoxaparine à 40mg/j en sous cutané, arrêté 12 heures avant la chirurgie.
Au bloc opératoire le monitorage comprenait la mesure de la pression artérielle non invasive, la saturation pulsée en oxygène, la fréquence cardiaque, la fréquence respiratoire. La technique anesthésique était : chez un patient en position assise, un cathéter intrathécale était introduit au niveau de l’espace L3-L4 (avec une longueur de 3 cm dans l’espace sous arachnoïde) permettant l’injection de 1,5 ml d’un mélange de bupivacaїne isobare à 0,5% 15mg et 50µg de fentanyl (Soit 5,625 mg de bupivacaїne et 18,75µg de fentanyl). Dix minutes après la rachianesthésie continue, le bloc sensitif atteignait T8. Pendant l’intervention (55 minutes), l’hémodynamique était stable. Une réinjection de 0,5ml de mélange a été nécessaire au bout de 70 minutes. Le volume de remplissage per opératoire était d’un litre de sérum physiologique et les pertes sanguines étaient estimées à 300ml ; A la fin de l’intervention, l’analgésie post opératoire était débutée par l’injection intrathécale de 100µg de morphine juste avant le retrait du cathéter. Les suites opératoires étaient simples. Le bilan biologique post opératoire identique à celui réalisé en pré opératoire restait normal. Le lever était autorisé à H24 et la sortie à J8 post opératoire.
L’échocardiographie cardiaque de contrôle réalisée deux semaines après était superposable à celle réalisée en période préopératoire. Le patient a été orienté chez le cardiologue pour la poursuite de la prise en charge.
Un patient de 72ans (63 kg, 175 cm) était opéré d’une adénomectomie prostatique sous rachi anesthésie continue. Ses antécédents cardiaques comprenaient une hypertension artérielle systolo-diastolique. Il était traité par amlodipine (Amlor® 10 mg/jour). L’interrogatoire révélait la notion de dyspnée d’effort à 4 METs selon le score de Dukes ; la pression artérielle était à 180/90 mmhg à droite et 170/90 mmhg à gauche ; la fréquence cardiaque à 80 battements par minute. L’électrocardiogramme retrouvait un hémi bloc antérieur, une hypertrophie ventriculaire gauche et une ischémie sous endocardique en antero-septale. Le bilan biologique initial comprenait un hémogramme Hb= 12,4g/dl ; Ht=37% ; plaquettes=207 000/mm3, une créatininémie à 11,57mg/l, un bilan d’hémostase TP=100% ; TCK=29. L’échocardiographie préopératoire mettait en évidence un rétrécissement aortique sévère de 0,4 cm2 avec un gradient transaortique moyen à 53mmhg, un flux éjectionnel systolique maximal à 3,6 cm une hypertrophie ventriculaire gauche, une hypertension artérielle pulmonaire mesurée à72 mmhg, et une fraction d’éjection ventriculaire à 55%. Le patient a été mis sous une injection quotidienne sous cutanée d’enoxaparine (Lovenox®) 40 mg pendant 05 jours et arrêté 12 heures avant l’intervention. Au bloc opératoire, un
Au bloc opératoire, sous surveillance habituelle, un cathéter était introduit de 3 cm dans l’espace sous arachnoïdien, une injection de 1,5ml de mélange (Bupivacaïne 0,5% isobare 15mg et fentanyl 50µg) était injecté. Cinq minutes après, le bloc sensitif atteignait T9. Une réinjection de 0,5 ml du mélange a été nécessaire après 30 minutes. Pendant l’intervention (80 minutes), on a noté une chute tensionnelle de plus de 40% consécutive à un saignement per opératoire estimé à 1200 ml. Une transfusion de deux culots globulaires associée à l’administration de 15 mg d’éphédrine ont été nécessaire pour stabiliser l’état hémodynamique. A la fin de l’intervention 100µg de morphine était injectés pour l’analgésie post opératoire, et le cathéter retiré. Il n’y a pas eu de complications post opératoire, et l’hémogramme post opératoire montrait un taux d’hémoglobine à 11,2g/dl. La sortie est intervenue à J9 post opératoire.
La consultation de cardiologie réalisée à la sortie ne montrait pas une aggravation clinique de même que l’échocardiographie.
La rachianesthésie continue est une alternative encore très peu utilisée dans notre pratique quotidienne. Très peu d’études ont montré l’intérêt de cette technique chez les patients porteurs d’un rétrécissement aortique serré [3]. L’expérience est généralement rapportée au travers de cas cliniques. La consultation pré anesthésique des patients présentant une pathologie cardiovasculaire nécessite un interrogatoire minutieux et un examen clinique complet afin de rechercher, la présence de pathologies majeures qui, si elles ne contre indiquent pas forcement la chirurgie, permettent à l’anesthésiste d’adapter sa technique.
Normalement, la cure de RAo doit être réalisée avant toute chirurgie. Cependant, la chirurgie cardiaque n’étant pas possible dans notre situation, récuser ces patients, reviendrait à les exposer à court ou moyen terme à des complications pouvant être fatales. Ainsi, il est démontré que la mortalité post opératoire des patients porteurs d’un RAo serré, n’est pas augmentée à condition d’un monitorage strict de l’hémodynamique et d’un traitement précoce et adéquat de toute hypotension artérielle [3]. Enfin, c’est à l’anesthésiste que revient la décision d’anesthésier le patient, le cardiologue n’est pas consulté pour juger de l’opérabilité mais plutôt pour optimiser le traitement et la fonction cardiaque.
De ce fait, nous avons décidé après concertation collégiale et information détaillée des risques auprès des patients et de leur ayant droit, de réaliser la chirurgie prostatique chez nos deux patients. L’anesthésie générale (AG) a toujours été considérée comme la technique de référence et de dernier recours, bien qu’aucune étude n’ait validé cette pratique [4]. Dans ces conditions, l’AG n’est pas sans risque notamment hémodynamique en cas de RAo serré. Les blocs centraux ne sont pas recommandés chez les patients porteurs d’un RAo serré. La rachianesthésie conventionnelle est même contre indiquée, en raison des répercussions hémodynamiques
secondaires à la vasoplégie (risque d’hypotension artérielle et donc d’hypo perfusion coronarienne). Néanmoins, de nombreux travaux ont souligné l’intérêt de la RAC en matière de bonne tolérance hémodynamique, notamment chez le sujet âgé [5-8]. La présence du cathéter intrathécale permet de titrer l’administration des anesthésiques locaux jusqu’à l’obtention d’un bloc sensitif satisfaisant et éventuellement de réinjecter en peropératoire.
Les doses totales d’anesthésiques locaux ont pu être étalées dans le temps (5,625 mg et 7mg au total de bupivacaїne dans nos cas n°1 et 2 respectivement). Il n’a pas été possible de mettre en place un cathéter artérielle afin de mieux évaluée les variations de la pression artérielle. Tout au moins la mesure non invasive de la pression artérielle nous a permis de détecter un épisode d’hypotension artérielle. Cette hypotension était consécutive à un saignement important et coïncidait avec la réinjection d’anesthésique local. Elle a été traitée par l’injection de 15mg d’éphédrine associée à une transfusion sanguine, après que l’hémostase a été assurée. La bupivacaїne isobare était choisie du fait de l’extension du bloc sensitif. En effet les solutions hyperbares limitent l’extension du niveau sensitif au prix d’un retentissement hémodynamique important [9]. Aucun cas de céphalées n’a été observé malgré le calibre important de l’aiguille. Ainsi l’utilisation de kit d’anesthésie péridurale est une alternative intéressante pour la réalisation de la RAC, si l’on ne dispose pas de kit approprié à condition que le patient soit âgé afin de réduire au maximum le risque de céphalées post ponction.
Ces deux cas cliniques illustrent la place de la rachianesthésie continue comme alternative à l’anesthésie générale chez les patients ayant un rétrécissement aortique serré. Tout en surveillant rigoureusement la pression artérielle et en agissant immédiatement, en cas d’hypotension artérielle, cette technique permet, en diminuant les doses totales d’anesthésiques locaux, d’assurer une stabilité hémodynamique. Enfin l’utilisation de kit destiné à l’anesthésie péridurale est une option intéressante pour les centres ne disposant pas de kit approprié de rachianesthésie continue.