L’anesthésie-réanimation en Afrique (noire francophone) peut être considérée comme une Spécialité « nouvelle ». Elle présente de nombreuses difficultés (semble ne pas bénéficier des avancées pharmacologiques, technologiques et conceptuelles).
Elle est caractérisée par un personnel en nombre insuffisant et aux qualifications limitées. De même les équipements et les médicaments utilisés sont inadaptés.
La pratique de cette activité souffre d’une non-médicalisation qui perdure dans plusieurs de nos pays
Aspects démographiques.
La démographie des anesthésistes bien que marquée par une évolution évidente depuis quelques années souffre de son insuffisance en nombre et en qualité [1,2]. La répartition des praticiens est représentée sur le tableau I
Cette démographie rapportée à la population donne des chiffres qui parlent d’eux-mêmes. Ces chiffres sont resumés au tableau II
Tableau II : la démographie des praticiens rapportée à la population (nombre de MAR par million d’habitants)
Outre l’insuffisance en nombre, l’anesthésie dans la sous-région est marquée par une très mauvaise répartition de l’effectif entre les pays et au sein d’un même pays En effet, les médecins anesthésistes se concentrent essentiellement dans les capitales ; laissant ainsi la pratique de l’anesthésie aux seuls infirmiers et techniciens d’anesthésie dès que l’’on quitte les capitales. La pratique de l’anesthésie et la réanimation pédiatrique est caractérisée par la non existence de structure adaptée à la prise en charge des enfants. Dans la plupart des pays l’anesthésie pédiatrique se pratique dans des hôpitaux destinés à la prise en charge des adultes [3,4]
Cette situation connait évidemment son lot de problèmes. Pour exemple, on ne compte que 7 médecins anesthésistes qui ont une formation formalisée en anesthésie pédiatrique et un seul service de réanimation pédiatrique sur les 13 pays enquêtés.
Évolution des techniques et drogues
Toutes les techniques anesthésiques sont pratiquées dans les différents blocs opératoires de la sous-région, la seule limite est l’équipement.
Le monitoring de base est disponible mais la capnographie, Pression Artérielle Invasive et la pression intracrânienne ne sont pas toujours disponibles.
En terme de drogues anesthésiques ; les produits essentiels sont disponibles
Spécialités chirurgicales
Malgré ces difficultés dans le domaine de l’anesthésie, toutes les spécialités chirurgicales sont pratiquées dans la sous-région. Quelques particularités se développent dans certaines villes. C’est le cas à Abidjan et à Dakar avec l’offre de la chirurgie cardiaque, la greffe rénale et la neurochirurgie.
La chirurgie pédiatrique de base est quotidiennement pratiquée dans tous les pays
Voies de publication
Pour la publication des résultats des travaux scientifiques, une seule revue de la spécialité est disponible. Il s’agit de la Revue Africaine d’Anesthésie et de Médecine d’Urgence (RAMUR). Un congrès annuel de la société scientifique qui regroupe tous anesthésiste de la sous-région de l’Afrique francophone en dessous du Sahara. Il s’agit de la société d’anesthésie réanimation d’Afrique noire francophone (SARANF). Chaque pays organise par ailleurs des congrès et journées scientifiques. Les journaux scientifiques nationaux sont inexistants et doivent être encouragés
Conditions d’exercices
Les structures où s’exerce l’anesthésie et la réanimation sont peu équipées avec parfois une architecture inadaptée.
Le personnel en nombre insuffisant a une charge de travail élevée avec son lot de stress au travail et d’épuisement professionnel (burnout)
L’acquisition de l’équipement est difficile et la maintenance inexistante que ce soit en réanimation ou au bloc opératoire. Dans le domaine des médicaments ; leur coût relativement élevé rend leur disponibilité difficile et inconstante. L’hygiène et la protection du personnel est approximative. L’épidémie de la maladie à virus Ebola et son ravage dans le milieu des professionnels de la santé en est une triste illustration,
L’exercice de l’anesthésie réanimation est également marqué par une disparité selon que l’on exerce dans le privé ou dans le secteur public. Il en est de même entre les grandes villes et les villes en dehors des capitales
Plus remarquable et la grande inégalité des conditions d’exercice observée en fonction des pays.
Rémunération
La Situation actuelle a des implications néfastes. En effet, dans la plupart des pays la spécialité du médecin anesthésiste n’est pas pris en compte et il est affecté en qualité de médecin généraliste. Le salaire est par conséquent celui du médecin généraliste, ce qui peut parfois faire l’objet de démotivation.
Perspectives
Il est indispensable d’aller vers une médicalisation de la profession. Ceci ne sera possible que par action sur plusieurs leviers : il s’agira de former des médecins anesthésistes en nombre suffisant, d’encourager les formations complémentaires à l’étranger, d’encourager les « sous spécialités ». Pour plus d’efficacité, il serait utile d’identifier (accréditer) des hôpitaux d’application et identifier des formateurs par spécialité.
L’amélioration de la pratique à travers les pays se fera par une meilleure répartition des médecins anesthésistes dans les hôpitaux des différents pays en motivant le départ vers les provinces. Enfin il est indispensable de reconnaître la spécialité et d’améliorer la qualité de vie au travail.
Références
1. Zoumenou E, Lokossou T, Assouto P, Chobli M, de Waroux Ble P, Baele P. Démographie des anesthésistes en afrique fracophone Sub-Saharienne : l’impact de 15 ans de coopération belgo-beninoise. Acta Anaesthesiol Belg. 2013 ; 64 : 81-9.
2. Sanou I, Vilasco B, Obey A, Binam F, Chobli M, Touré MK, Adnet P
Evolution de la démographie des anesthésistes en afrique francophone Sub-Saharienne.
Ann Fr Anesth Reanim. 1999 18 : 642-6.
3. Essola L, Sima Z A, Obame R, Ngoma Jf, Kamel G Anesthésie pédiatrique en milieu africain : expérience d’un hopital gabonais à vocation adulte. Rev Afr Anesth Med Urgence. 2013 ; 18 : 3-7
4. Brouh y. L’anesthésie pédiatrique en Afrique noire francophone : quelle pratique ?
Rev Afr anesth Med Urgence.2013 ; 18 : 1-2