Introduction
La morbidité périopératoire de la chirurgie hémorroïdaire est dominée par les douleurs postopératoires de forte intensité. Le bloc pudendal procure une anesthésie périnéale efficace, et l’association naropéine-dexaméthasone permet d’obtenir une analgésie postopératoire de longue durée, propice à la réalisation de l’hémorroïdectomie sur un mode ambulatoire. Sur une étude prospective de janvier 2010 à janvier 2011, les patients correspondants aux critères de la chirurgie ambulatoire ont été proposés à cette procédure chirurgicale.
Le but était de montrer la faisabilité de l’hémorroïdectomie ambulatoire dans le contexte africain.
Patients et méthodes
Sur une étude prospective de janvier 2010 à janvier 2011, tous les patients souffrant d’hémorroïdes de grade III et IV relevant d’un traitement chirurgical ont été proposés à une procédure ambulatoire. Les patients résidant à plus de trente minutes de l’hôpital, porteurs de co morbidités instables, ou présentant des difficultés de communication n’ont pas été inclus à la présente étude. Les patients recevaient les informations sur la chirurgie ambulatoire, ainsi que celles relatives au bloc pudendal pendant la consultation pré anesthésique. L’inclusion des patients à l’étude était subordonnée à la signature d’un consentement éclairé dont la validation nécessitait un délai de réflexion de quarante-huit heures. L’âge, le sexe et le statut ASA ont été relevés.
Les patients arrivaient à jeun depuis la veille au soir, ils recevaient une prémédication à base d’hydroxyzine 50 mg à 100 mg (selon leur niveau d’anxiété), 30 minutes avant le transfert au bloc opératoire. Un bolus intra veineux de 50 mg de propofol était prévu en cas d’anxiété manifeste au moment de la réalisation de l’ALR. Le monitorage des patients comportait, un électrocardioscope, une mesure de la pression artérielle non invasive, et de la saturation artérielle en oxygène SaO2. L’évolution de ces paramètres était relevée. Une perfusion de glucose à 5% était mise en place, Le bloc pudendal était réalisé en position gynécologique. Le repérage bilatéral des nerfs pudendal se faisait à l’aide d’un neurostimulateur et les bords internes des tubérosités ischiatiques constituaient les repères de ponction. La contraction du sphincter anal et du vagin (chez les femmes) authentifiait la bonne position de l’aiguille de neurostimulation avant l’injection bilatérale du mélange anesthésique (Naropéine 0,75% 15 mL associée à 4 mg de Dexaméthazone de chaque côté). L’hémorroïdectomie débutait après vérification systématique de l’installation de l’anesthésie périnéale ; l’absence de douleur ressentie après des piqûres périnéales à l’aide d’une aiguille stérile, et la béance de l’orifice anale authentifiaient la réussite du bloc pudendal. Le délai d’installation du bloc sensitivo moteur était relevé.
La technique Milligan Morgan a été utilisée. La durée de l’intervention était relevée. Une collation était servie en salle de surveillance post interventionnelle et une perfusion intra veineuse de paracétamol 1 gramme, associé à 100 mg de kétoprofène, et à 20 mg de Néfopam était systématiquement administrée, une heure environ avant la sortie de l’hôpital à H8. La sortie accompagnée de l’hôpital était prévue entre seize et dix sept heures, l’intervention chirurgicale devait se terminer au plus tard à 09 heures.
L’équipe soignante s’assurait d’une part de l’absence de saignement anal à travers le pansement, et d’autre part, du niveau de la douleur post opératoire qui devait être inférieur à 4/10 sur l’EN. L’ordonnance de sortie comprenait du paracétamol 3 grammes par jour associé au kétoprofène 200 mg par jour et au tramadol 100 mg par jour durant les trois premiers jours. Le niveau de satisfaction des patients était recherché sur une échelle à 5 points (de 1 à 5) : 1 pas satisfait, 2 peu satisfait, 3 moyennement satisfait, 4 satisfait, 5 très satisfait.
L’équipe soignante était joignable au téléphone. Les patients devaient signaler la survenu de douleur intenses, et d’éventuelles complications hémorragique, infectieuse ou génito urinaire à type de faiblesse sexuelle masculine ou de rétention aiguë d’urines. La surveillance des soins post opératoires a duré un mois.
Résultats
Soixante patients ont été inclus dans l’étude durant cette période. Il y avait 47 hommes et 13 femmes (sexe ratio H/F= 4,6). L’âge des patients variait entre 28 ans et 56 ans, moyenne 36 ans. Le circuit du patient en chirurgie ambulatoire, et la prise en charge de la douleur post opératoire (DPO) constituaient les principales informations aux patients. On relevait 48 patients porteurs d’hémorroïdes de grade IV, et 12 de grade III.
Le statut ASA I concernait 51 patients et 9 étaient ASA II. La prémédication a été efficace chez 52 patients. Huit ont bénéficié de 50 mg de propofol intra veineux en sédation de complément. Le bloc pudendal a été réalisé avec succès chez tous les patients. Le délai d’installation était de 25±5 minutes avec une durée moyenne de 20±4 heures. Aucune complication médico chirurgicale n’a été constatée. La durée de la chirurgie était de 25±7 minutes. Aucune plainte douloureuse péri opératoire n’a été enregistrée, ainsi que durant les 24 premières heures post opératoires. L’aptitude à la rue était bonne à la sortie de tous les patients. Il n’a été relevé aucune manifestation clinique pouvant motiver une ré hospitalisation. Le niveau de la douleur variait entre 2 et 3 sur 10 sur l’EN durant les trois premiers jours post opératoires. Les douleurs à la première selle étaient moyennes et supportables 5 à 6 sur 10 en moyenne. Il n’a pas été enregistré de complication hémorragique, infectieuse ou urinaire. Cependant, trois hommes ont signalé une faiblesse érectile transitoire à J1. Le bloc pudendal dans l’hémorroïdectomie ambulatoire a été jugé comme une procédure séduisante avec un niveau de satisfaction moyen de 4 sur 5.
Discussion
L’hémorroïdectomie est une chirurgie mineure de courte durée, dont la morbidité post opératoire précoce est dominée par les douleurs post opératoires (DPO) de forte intensité [1,2,3,4]. La prise en charge des DPO représente donc le principal challenge en chirurgie hémorroïdaire durant les soixante douze premières heures. Les autres complications post opératoires précoces pouvant nécessiter une hospitalisation prolongée ; telles que la reprise hémorragique est relativement faible [3,5]. De plus, l’incidence des nausées et vomissements postopératoires est quasi nul avec les techniques d’anesthésie loco régionale périphérique [6,7,8].
Malgré ces avantages, les recommandations formalisées d’experts (RFE) de la société française d’anesthésie réanimation (SFAR) 2009 sur la pratique de la chirurgie ambulatoire ont été respectées dans la présente étude, pour garantir la sécurité des patients dans le processus chirurgical et anesthésique. La sélection des patients visait donc à optimiser la prise en charge ambulatoire. Le circuit du patient à l’hôpital le jour de l’intervention, était expliqué lors de la consultation pré anesthésique. Le propofol en sédation de complément a été préféré à tout autre sédatif parce qu’aux doses sub anesthésiques il entraîne une somnolence avec ouverture rapide des paupières à la commande verbale correspondant au stade III de la classification de Mac Kenzie [9]. L’intérêt du propofol en sédation réside dans sa rapidité d’action sans entraîner de dépression respiratoire.
Plusieurs études reconnaissent l’utilisation du neurostimulateur dans la réalisation du bloc pudendal comme une méthode sûre et précise [1,10,11]. D’apprentissage facile, Le bloc pudendal réalisé avec neurostimulation a permis une réussite chez tous les patients. Le repérage anatomique des bords internes des tubérosités ischiatiques se faisait par palpation périnéale, telle que décrite par Vinson-Bonnet [12]. Le choix de la naropéine à 0,75% a été motivé par sa longue durée d’action, dans un contexte de chirurgie douloureuse en mode ambulatoire. L’adjonction de dexaméthasone visait à prolonger la durée d’action du bloc anesthésique
afin de garantir une réhabilitation post opératoire précoce. De nombreux travaux ont démontré le bénéfice de l’adjonction de la dexaméthasone à un anesthésique local dans le cadre d’une ALR en termes de prolongation de la durée d’action. Ainsi Cummings et col ont observé une durée d’analgésie prolongée de plus de 50% chez les patients ayant reçu un mélange dexaméthasone- ropivacaïne lors d’un bloc interscalénique dans une étude randomisée, contrôlée contre placebo [13,14]. La prolongation de l’analgésie périnéale est manifestement liée à l’adjonction de dexamethasone à la naropéine 0,75%, mais il est aussi vraisemblable qu’une modeste absorption systémique puisse avoir participé à cette analgésie prolongée. Dans ce cas la dexamethasone a agit en limitant d’une part la réaction inflammatoire au niveau de la plaie opératoire et au niveau neuronale. D’autre part, elle possède également un effet anti nociceptif, par stabilisation des membranes neuronales. Grace à ces propriétés pharmacologiques la dexaméthasone prolonge les effets analgésiques de la plupart des antalgiques administrés en post opératoire [15]. C’est pour cela que l’analgésie post opératoire a délibérément utilisé des doses d’antalgiques nettement plus faibles que celle habituellement prévues. La prescription de co antalgiques dès la huitième heure post opératoire cherchait à anticiper la levée du bloc pudendal, pour éviter une apparition brutale de la douleur à un niveau très élevé. Le bas niveau de l’intensité douloureuse a été l’un des critères de satisfaction de la procédure ambulatoire.
La cure hémorroïdaire par la technique de Milligan Morgan est réputée la plus algogène de toutes les autres [3,16]. Son choix dans la présente étude tient uniquement à l’habitude de l’équipe chirurgicale ; de plus elle avait déjà fait l’objet d’un travail antérieur par la même équipe. La technique anesthésique utilisée était la rachanesthésie [17].
L’hémostase chirurgicale a été la principale préoccupation pendant les dissections anatomiques. Cette attention particulière justifie l’absence de complication hémorragique, aussi bien précoces que tardives.
Le niveau de satisfaction des patients était satisfaisant.
Conclusion
Le bloc pudendal est une technique d’ALR qui assure une analgésie péri opératpoire efficace sur les DPO de l’hémorroïdectomie, principale complication post opératoire de cette chirurgie. L’utilisation de mélanges anesthésiques de longue durée d’action ajoute un confort analgésique durant les vingt quatre premières heures. Le faible retentissement physiologique de cette technique anesthésique autorise la pratique de la chirurgie hémorroïdaire sur un mode ambulatoire.
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