Tome 18 n°2 - 2013


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Intérêt et risques de l’analgésie intrathécale dans les hystérectomies par voie abdominale dans un centre hospitalier malgache

Interest and risks of intrathecal analgesia in abdominal hysterectomies in a Malagasy hospital

octobre 2014, par Rakotondrainibe A , Randriamizao H.M.R. , Rajaonera T.A. , Rasoaherinomenjanahary F. , Randriamiarana JM

Auteur correspondant : golden_mail1 chez yahoo.fr. BP 4150 Antananarivo - Madagascar


Résumé

Introduction : La morphine intrathécale (MIT), dans le cadre de l’analgésie balancée postopératoire procure une analgésie efficace, mais est grevée de risques.
Patients et méthodes : Quarante-cinq patientes de 22 à 74 ans, opérées d’hystérectomies, ont été suivies dans une étude prospective. Les patientes étaient divisées en trois groupes : le groupe MIT(5) où 5μg/kg de morphine a été administrée, le groupe MIT(0,1) avec 100μg de morphine infiltrée ainsi que le groupe contrôle pour évaluer cette technique.
Résultats : La durée d’action de l’analgésie intrathécale a été de 17,8 à 18,4h en moyenne. La consommation de morphine intraveineuse dans les 24h a été significativement diminuée par l’analgésie intrathécale (p=0,007). L’apparition d’effets secondaires (notamment respiratoires) incite à une utilisation plus licite de cette technique.
Mots clés : analgésie postopératoire, hystérectomie, efficacité, morphine intrathécale, risques

Summary

Introduction : Intrathecal morphine (ITM) can be used in multimodal postoperative analgesia.
Patients and methods : We conducted a prospective and comparative study to assess the intrathecal analgesia efficacy and side effects. In total, 45 patients ranging from 22 to 74 years were assigned to have abdominal hysterectomies, under general anesthesia. The intrathecal morphine groups received 5μg/kg intrathecal morphine before induction in MIT (5) group and 100μg in MIT (0.1) group.
Results : Duration effect of this technique was estimated to 17.8 to 18.4 hours, allowing a longer analgesia compared to intravenous analgesia. Morphine consumption during the first 24hours was significantly decreased in MIT groups (p = 0,007). Side effects (especially respiratory depression) motivate to a pondered use of this analgesic practice with low-dose of intrathecal morphine for more benefits than risks.
Keywords : hysterectomy, efficacity, intrathecal morphine, postoperative analgesia, risks.

Introduction

Les hystérectomies par voie abdominale génèrent, lors des premières 48h postopératoires, une douleur moyenne à forte [1-3].Actuellement l’analgésie postopératoire est de principe une analgésie multimodale, consistant à associer différentes molécules et techniques de mécanismes d’action différentes, dans laquelle figure la rachianalgésie à la morphine, efficace mais grevée de complications non négligeables, d’autant plus que la dose de morphine intrathécale est élevée [1-4]. Nous avons voulu évaluer cette technique dans le cadre de la prise en charge de la douleur postopératoire, après hystérectomies par voie abdominale, chez des sujets de race noire, au Centre Hospitalier d’Antananarivo.

Méthodes

Il s’agit d’une étude prospective, comparative, non randomisée portant sur les hystérectomies par voie abdominale, avec ou sans curage ganglionnaire, après consentement éclairé, sur 45 patientes, classe ASA 1 et 2, réalisée sur une période de 15 mois, entre janvier 2010 et mars 2011

Ont été exclues de l’étude les hystérectomies en urgence, les voies d’abord autres qu’abdominales, les contre indications à la ponction rachidienne (troubles de l’hémostase, infection au niveau du site de ponction, pathologie neurologique préexistante, refus de la patiente) les contre-indications aux médicaments utilisés dans l’étude, l’utilisation d’autres techniques d’analgésie postopératoire loco-régionale (telles que les infiltrations cicatricielles) ou d’autres molécules visant à une épargne morphinique (telles que la kétamine), les patientes sous traitement morphinique antérieur au long cours, les patientes présentant des troubles psychologiques et les patientes ayant un indice de masse corporelle supérieur ou égal à 35kg/m².Les patientes ont été divisées en trois groupes : le groupe contrôle MIT(0) étant le groupe contrôle, le groupe MIT (5) où 5μg/kg de morphine a été administrée par voie intrathécale et le groupe MIT (0,1) dans lequel 100μg/mg de morphine ont été utilisées pour l’analgésie postopératoire. Dans les trois groupes, l’anesthésie générale a été induite par 5μg/kg de fentanyl, 2,5mg/kg de propofol et 0,1mg/kg de pancuronium et entretenue par du propofol (6 à 10mg/kg/h) et des boli de fentanyl. Dans les groupes MIT, la rachianalgésie à la morphine a été réalisée avant l’anesthésie générale, en position assise, au niveau lombaire. Le moment où la morphine a été administrée par voie intrathécale a été considéré comme le moment de l’infiltration. La figure 1 représente le protocole de l’étude.

En postopératoire, la douleur postopératoire a été évaluée, au repos et au mouvement, toutes les 4 à 6h jusqu’à la 72ème heure et ce, à partir du moment de l’extubation (temps M0/H0) avec l’Echelle Numérique (EN) allant de 0 à 10.Les patientes du groupe MIT (5) ont été systématiquement transférées en réanimation. Celles des groupes MIT(0) et MIT (0,1) étaient admises en secteur d’emblée. Les tests utilisés (logiciel SigmaStat 3.5®) ont été l’analyse de variance et le test de Kruskall Wallis pour la comparaison des trois groupes ; let-test et celui de Mann Whitney pour la comparaison par paire. Dans le groupe MIT (5), pour évaluer la relation entre dose de morphine infiltrée et délai de traitement de secours, le test du Chi² et une régression linéaire ont été réalisés.Une valeur de p<0,05 a été considérée comme significative.

Résultats

La population d’étude est représentée dans le tableau I.La durée de l’analgésie intrathécale était plus longue par rapport à la voie intraveineuse seule (p=0,001), entre l’infiltration et l’apparition d’une douleur ≥ 3 sur l’échelle numérique. Pour une patiente, ASA 1, dans le groupe MIT(5), aucune douleur durant les 72 premières heures postopératoires n’a été notée. Pour les autres patientes du groupe MIT(5), la durée de l’analgésieétait de l’ordre de 17,8±16,7 h et de 18,4 ± 10,3 h pour le groupe MIT (0,1) (figure 2).

Aucune différence significative, dans la durée de l’analgésie, n’a été retrouvée entre les groupes MIT (0,1) et MIT (5), p = 0,361. Une différence significative a été constatée quant à la douleur postopératoire à J2 (p = 0,01) ; ainsi qu’au premier lever (p<0,01) et en position assise (p = 0,028).La relation entre la dose de MIT administrée et la durée d’action était significative (p < 0,0001), mais avec une faible corrélation (R² = 0,02).Une différence significative a été constatée concernant la consommation morphinique intraveineuse titrée durant les 24 premières heures postopératoires (J0), après la sortie de la SSPI (p = 0,001), ainsi qu’à J2 (p=0,007).Les consommations postopératoires cumulées de morphine allaient de0 à 2mg dans le groupe MIT (0,1), de 0 à 4mg dans le groupe MIT (5) et de 0 à 14mg dans le groupe MIT (0), avec une différence significative entre les trois groupes (p=0,007), de même qu’entre les groupes contrôle et MIT (0,1) (p = 0,012) ; les groupes contrôle et MIT (5) (p = 0,014) ; mais pas entre les deux groupes MIT (0,1) et MIT (5) (p = 0,972).Trois patientes (20%) du groupe MIT (5) ont présenté des troubles respiratoires dans les minutes ou les heures suivant l’extubation : deux patientes ayant une respiration irrégulière sans apnée, uniquement en SSPI ; la troisième patiente, âgée de 64 ans, ASA 1, a présenté une apnée, 210 minutes après son extubation, nécessitant une ré-intubation avec ventilation contrôlée. Le devenir de la patiente a été favorable. Dans le groupe MIT (0,1) aucun trouble respiratoire n’a été constaté .L’apparition des effets indésirables était plus importante dans les groupes MIT (0,1) et MIT (5) (Figure 3).

Discussion

Une méta analyse regroupant 27 études ainsi que d’autres études ont démontré que la morphine intrathécale procurait une plus longue et meilleure analgésie dans plusieurs types de chirurgies [2,3,5-9]. Cette technique agit sur la douleur dynamique et au repos, dès les toutes premières heures postopératoires [7,10-12]. Sa durée d’action est longue de l’ordre de 18 à 24h, tout comme dans notre étude [2,3,6]. Ce qui pourrait être bénéfique, surtout en termes d’économie de médicaments, en particulier dans notre contexte où c’est le patient lui-même qui contribue à ses propres frais hospitaliers, qui sont parfois excessifs. De même, cette technique entraîne une diminution, de faible quantité mais significative, de la consommation opioïde intraveineuse, surtout dans les premières heures postopératoires, notamment les 24 premières heures [2,6,7,8,10,11]. Cependant, les effets indésirables liés à la MIT sont fréquents [3,13,14,15]. Une respiration irrégulière et des bradypnées peuvent survenir après MIT nécessitant rarement un support ventilatoire et une antagonisation morphinique [2,13]. Pour antagoniser ces effets indésirables, une administration continue de naloxone pourrait être efficace [9]. Cependant, l’inconvénient de cette technique réside dans l’alourdissement de la charge en soins, surtout après administration d’une dose de morphine intrathécale. En effet, dans notre étude, toutes les patientes du groupe MIT [5] étaient admises en réanimation et le risque d’une dépression respiratoire voire une apnée, comme nous avons pu en constater, constitue une complication non négligeable. Une diminution de la dose de MIT administrée inférieure ou égale à 200 μg serait plus intéressante [8]. Cette dose procure une analgésie efficace, notamment au mouvement et entraîne une faible incidence d’effets secondaires respiratoires (sédation et dépression respiratoire) [2,5,8,16,17]. Les autres effets secondaires (prurit, nausées-vomissements) restent constants mais engagent plus rarement le pronostic vital [2,5,11,16].

Conclusion

Cette étude nous a permis d’évaluer l’utilisation de la morphine intrathécale dans la prise en charge de la douleur postopératoire après hystérectomie par voie abdominale. Nos résultats nous encouragent à préférer une faible dose de morphine intrathécale (100μg) par rapport à une dose élevée (5μg/kg), pour une même efficacité analgésique et éviter les complicationsqui pourraient être fatales (surtout la dépression respiratoire) et permettre une réhabilitation postopératoire plus rapide, dans un contexte peu douloureux et plus économique.


Références

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