Introduction
L’amitraze est un insecticide de la famille des formamidines. C’est un insecticide utilisé en médecine vétérinaire pour le traitement des ectoparasites de certains animaux agissant comme agoniste des récepteurs d’octopamine dans les synapses excitatrices du système nerveux central des insectes. Cette substance inhiberait la monoamine oxydase (MAO) mais elle possède surtout des propriétés alpha-2-adrénergiques chez les mammifères. Les cas d’intoxication chez l’animal sont très fréquents mais très peu de cas ont été rapportés chez l’homme. C’est un produit de plus en plus utilisé en Afrique.
L’objectif de cet article est d’informer les praticiens sur l’intoxication humaine à ce produit par une revue de la littérature.
Observation
Mr L.T, âgé de 2 ans, est reçu au service des urgences chirurgicales du centre hospitalier régional de Thiès pour troubles de la conscience survenus environ 30mn après l’ingestion accidentelle d’amitraze. C’est un enfant sans antécédents particuliers, issu d’une famille au niveau socio-économique moyen. Il aurait ingéré le contenu restant (quantité exacte non connue mais minime) d’une bouteille d’amitraze utilisé quelques heures plus tôt par son père pour le déparasitage de ses animaux. Après l’ingestion du produit, ses parents lui auraient administré du lait provoquant chez l’enfant un épisode de vomissements. L’enfant est par la suite conduit au service des urgences.Notons que le chiot qui était avec lui et qui a lapé le produit est décédé sur le champ. A l’admission environ 45mn après l’ingestion du produit, l’examen clinique retrouvait :
– des troubles de la conscience : score de Glasgow à 9(ouverture des yeux=2, Réponse verbale=2, Réponse motrice=5)
– un myosis bilatéral serré
– une polypnée superficielle, un battement des ailes du nez et des râles d’encombrement bronchiques diffus
– une bradycardie sinusale à 64battements par minute
– la glycémie capillaire était à 2,43g/l
Le patient a été hospitalisé aux services des urgences où il a été oxygéné et a reçu :
– deux bolus de 0.25mg d’atropine en l’espace de 5mn
– un bolus de 5mg de furosémide (Lasilis®)
Par la suite une radiographie du poumon a été faite et est revenue normale.Le reste de la prise en charge a consisté en une administration deranitidine, à une réhydratation avec du sérum salé isotoniquesous contrôle régulier de la glycémie capillaire.Sous ce traitement, l’évolution a été rapidement favorable. Une heure après l’admission, l’auscultation pulmonaire était normale.On notait une amélioration des troubles de la conscience avec un score de Glasgow à 14(il persistait une somnolence). L’alimentation débutait à J1. A J2 le score de Glasgow était à 15 et le myosis avait complètement disparu motivant la sortie du malade de l’hôpital.
Discussion
L’amitraze est un insecticide utilisé dans de nombreux de pays. Il est commercialisé depuis 1974 et les cas d’intoxication humaine ont une fréquence de plus en plus croissante ces quinze dernières années. Entre 1996 et 2004, la prévalence de ces intoxications était de 2% au département de pédiatrie de l’université de Yüzüncü Yıl. En Afrique, aucun cas d’intoxication humaine à l’amitraze n’a été rapporté entre 1983 et 2008. La première étude de cas africains a été publiée en 2011 et portait sur les cas enregistrés entre 2008 et 2009 en Afrique du Sud. L’intoxcication à ce produit est accidentelle surtout chez l’enfant. Cependant elle peut être volontaire lors des tentatives d’autolyse chez l’adulte [4, 5, 7]. En Turquie, deux cas ont été enregistrés suite à une exposition volontaire des enfants au produit par leurs parents pour traiter les poux de cheveux [1].L’amitraze est un antiparasitaire de la famille des formamidines, utilisé en médecine vétérinaire pour la protection contre la Varoa (parasitose des ruches
d’abeilles) et les ectoparasitoses des mammifères domestiques. On la retrouve sous la forme de collier antiparasitaire ou de solution à usage externe.L’amitraze est facilement absorbé par voie cutanée et digestive. Chez l’homme, il est peu métabolisé et est en majeure partie éliminé par voie urinaire sous forme inchangée. La demi-vie d’élimination sérique est de 4 heures.Les signes cliniques de l’intoxication aiguë chez l’homme sont dues à la stimulation des récepteurs aplha2-adrénergiques et à l’inhibition de la mono-amine-oxydase. Ils apparaissent le plus souvent 30mn à 2heures après l’ingestion du produit. La gravité est fonction de la quantité de produit absorbé et de la voie d’absorption qui peut être orale, dermique ou même intraveineuse [4,5]. Les signes cliniques et biologiques les plus fréquemment rencontrés sont les suivants :
– une dépression du système nerveux central et respiratoire
– une bradycardie, une hypotension artérielle, une hypothermie
un myosis ou une mydriase
– une hyperglycémie liée à la baisse de la stimulation de la sécrétion de l’insuline
– une augmentation modérée des transaminases
– des troubles digestifs : ralentissement de la motilité gastrique
Les troubles de la conscience restent les signes plus couramment rencontrés et sont présents chez presque tous les patients [2,3]. On peut aussi noter des vomissements qui seraient dus aux solvants hydrocarbonésprésents dans les solutions aqueuses d’amitraze[2, 7]. Ces vomissements peuvent être importants et entrainer un tableau d’inhalation bronchique qui aggrave le tableau de détresse respiratoire.
Conclusion
Bien que rare dans nos pays, l’intoxication à l’amitraze peut être grave. Elle doit être identifiée et traitée précocement par tout médecin. Malgré la gravité des signes cliniques, l’évolution est généralement favorable. Vue la fréquence des intoxications accidentelles chez l’enfant, une sensibilisation des usagers du produit à sa toxicité chez l’homme doit être envisagée
Références
1. Atabek ME, Aydin K, Erkul I. Different clinical features of amitraz poisoning in children. Human & Experimental Toxicology.2002 ; 21:13-6.
2. Aydin K, Per H, Kurtoglu S, Poyrazoglu MH, Narin N, Aslan D. Amitraz poisoning in children. Eur J Pediatr. 2002 ; 161 : 349-50.
3. Caksen H, Odabaş D, Arslan S, Akgün C, Ataş B, Akbayram S, Tuncer O. Report of eight children with amitraz intoxication. Human & experimental Toxicology 2003 ; 22 : 95-7.
4. Demirel Y, Yilmaz A, Gursoy S, Kaygusuz K, Mimaroglu C. Acute amitraz intoxication : retrospective analysis of 45 cases. Human & Experimental Toxicology 2006 ; 25 : 613-7.
5. Gursoy S, Kunt N, Kaygusuz K, Kafali H. IntravenousAmitrazPoisoning. ClinicalToxicology.2005 ; 43:113-6.
6. Proudfoot AT. Poisoning with amitraz.Toxicol Rev 2003 ; 22:71-4
7. Veale DJ, Wium CA, Muller GJ. Amitraz poisoning in South Africa : a two year survey (2008-2009). Clinical Toxicology. 2011 ; 49 : 40-4.