Introduction
Le choc septique est la conséquence d’une insuffisance cardio circulatoire aiguë [1] ; comme tous les autres états de choc, il induit dans une proportion variable une hypo perfusion tissulaire, des phénomènes d’ischémie-reperfusion et une inflammation généralisée. L’incidence du sepsis est en augmentation et représente 50 à 150 cas sur 100 000 habitants [2]. En France, on estime à 75000, le nombre de patients hospitalisés par an pour choc septique [3]. Malgré les nombreux progrès réalisés dans la prise en charge du choc infectieux ces 20 dernières années, il reste une préoccupation majeure des services de réanimation [4]. La mortalité tant chez l’enfant que chez l’adulte est proche de 50 % ; ce qui représente 200 000 décès par an aux USA et en Europe [2]. Dans les pays en voie de développement, le choc septique est aussi fréquent et grave en raison d’une morbidité et d’une mortalité probablement plus élevées compte tenu de l’insuffisance du plateau technique de prise en charge en réanimation. Au Togo, peu de travaux ont été réalisés sur la prise en charge de l’état de choc septique. Il nous a semblé important de mener une étude dans le service de réanimation chirurgicale, du CHU Sylvanus Olympio de Lomé, avec comme objectif général d’évaluer la prise en charge de l’état de choc septique. Les objectifs spécifiques de cette étude étaient de : déterminer l’incidence de l’état de choc septique, identifier les aspects cliniques et biologiques, déterminer les données bactériologiques, décrire les thérapeutiques administrées aux patients, déterminer le taux de mortalité lié au choc septique.
Matériels et méthodes
Les patients ont été inclus dans une étude rétrospective réalisée de janvier à décembre 2010 en réanimation chirurgicale au CHU Sylvanus Olympio après accord du comité d’éthique et de protection des personnes. Ont été inclus dans notre étude, tous les patients admis en réanimation chirurgicale pour choc septique de confirmation clinique et biologique (numération formule sanguine, hémoculture, bactériologie). Les patients hospitalisés dont les dossiers étaient inexploitables et les patients décédés avant l’admission ont été exclus. Une fiche d’enquête a servi de recueil des données. Pour chaque patient, les paramètres suivants ont été analysés : la démographie, le diagnostic d’entrée, les signes cliniques et para cliniques, la prise en charge, l’évolution, la durée d’hospitalisation, la mortalité et la cause de décès. Le dépouillement des données a été manuel et l’analyse statistique a été faite à l’aide du logiciel Epi info ™ 7.
Résultats
Quarante patients ont présenté un choc septique au cours de la période d’étude sur 940 patients hospitalisés soit une incidence de 4,3%. L’âge moyen de nos patients était de 43 ± 32 ans. Il y avait une prédominance masculine avec 75% de cas et un sexe ratio de 3.

Dix-huit patients (56,3%) présentaient une hypotension artérielle avec une pression artérielle systolique inférieure à 90 mmHg. Vingt-six patients (65%) présentaient une température de plus de 38°C, trois patients (7,5%) étaient en hypothermie avec une température de 35°C. Neuf patients (22,5%) avaient une tachycardie supérieure à 90 battements /minutes. Quatre patients (10%) avaient une polypnée avec une fréquence respiratoire supérieure à 21 cycles/min. Vingt et un patients (52,5%) avaient une hyperleucocytose > 11000/mm3. Le taux moyen d’hémoglobine était de 8,9 ± 5 g/dl. L’hémoculture était faite chez 10 patients (25%). Les germes isolés étaient Escherichia coli (5 cas), Salmonella (4 cas), Pneumocoque (3 cas), Staphylocoque (1 cas) et Streptocoque (1 cas). L’examen cytobactériologique des urines réalisé chez 5 patients (12,5%) était négatif. Dix-huit patients (45%) avaient une urée et une créatinine élevées. Six patients (15%) étaient en hypoglycémie et 9 patients (22,5%) en hyperglycémie. Sept patients (17,5%) présentaient un syndrome de perforation digestive et 10 patients (25%) présentaient une pneumonie à la radiographie pulmonaire. Seuls 2 patients ont bénéficié d’une échographie abdominale en urgence montrant un épanchement abdominal. Un scanner abdominal a permis d’objectiver un syndrome péritonéal. Trente-sept patients (92,5%) ont bénéficié de deux voies veineuses périphériques de bon calibre ; seuls 3 patients (7,5%) ont bénéficié d’une voie veineuse centrale. Aucun cathéter artériel n’a été posé. Les patients ont reçu en moyenne, 2±1,5 l de soluté. Tous les patients ont reçu des cristalloïdes ; 15 patients (37,5%) ont reçu en plus des colloïdes. Vingt-sept patients (67,5%) ont reçus des amines vasopressives. Tous les patients ont bénéficié d’une oxygénothérapie, seuls 22 patients (55%) ont bénéficié d’une ventilation mécanique. Tous les patients ont été mis sous antibiotique dont 42,5%, une association de deux antibiotiques, 27,5%, une association de trois antibiotiques et 10% un seul antibiotique.

Les associations d’antibiotiques étaient : Ceftriaxone + Métronidazole, Amoxicilline Acide clavulanique + Ciprofloxacine, Amoxicilline Acide clavulanique + Gentamycine + Métronidazole. Les imipénèmes étaient utilisés seuls. Vingt-cinq patients (62,5%) avaient reçu du paracétamol en IV et 11 patients (27,50%) de l’Acide acétylsalicylique. La morphine était utilisée chez 5 patients (12,50%). La durée moyenne d’hospitalisation était de 14 ± 13 jours. Il y a eu 39 décès (97,5%). Vingt patients (50%) sont décédés de Syndrome de Détresse Respiratoire Aigu (SDRA), 15 patients (37,5%) d’Insuffisance Rénale Aiguë (IRA) et 4 patients (10%) de choc septique réfractaire. Le nombre de décès était fortement corrélé à l’utilisation ou non d’amines vasopressives (Chi2 = 12,31 ; p = 0,00045)
Discussion
Notre incidence de 4,3% de choc septique sur l’ensemble des hospitalisations est sous-estimée en raison des cas d’hospitalisation en réanimation médicale au CHU Sylvanus Olympio. L’incidence du choc septique semble globalement augmenter ; une étude réalisée en France [5] montre une recrudescence du choc septique de 7 à 9,7% d’admissions. La péritonite (32,5%) reste la première cause du choc septique chez nous en raison de l’inobservance des règles élémentaires d’hygiène à l’origine de la salmonellose digestive souvent négligée évoluant vers la perforation typhique. Dans les pays développés, le sepsis sévère et le choc septique compliquent les affections médicales chroniques [6]. Notre diagnostic du choc septique était essentiellement clinique ; en raison de notre plateau technique limité nous n’avons pu doser les marqueurs biologiques [7]. L’adrénaline et la dopamine bien que discutée sont les amines disponibles chez nous en raison des insuffisances financières et d’une mauvaise politique nationale sanitaire en matière de santé publique. La noradrénaline, la dobutamine et récemment le levosimendan [8] sont les mieux indiqués pour la prise en charge du choc septique. Notre taux de mortalité du choc septique exorbitant de 97,5% s’explique par l’existence des facteurs de morbidité dans notre contexte liés aux insuffisances en matériel de réanimation, en médecins anesthésistes-réanimateurs et en infirmiers spécialisés en réanimation. Aussi cette létalité importante pourrait être due au phénomène d’apoptose [9] mis en évidence dans le choc septique. Une récente revue de la littérature [10] montre une régression de la mortalité du choc septique dans les centres équipés ces dernières décennies ; elle serait passée de 27,8% à 17,9% aux USA en 22 ans et avoisinerait les 16,1% en Nouvelle Zélande en 2003. Le SDRA [11] demeure l’une des complications évolutives les plus redoutables du choc septique grevée d’une lourde mortalité. L’absence de moyens de ventilation mécanique invasive de ces cas chez nous pourrait y accroître la morbidité. L’évaluation récente de l’utilisation des indices de réponse au remplissage vasculaire [12] lors de la prise en charge d’un choc septique, peu invasifs et rapides pourraient être intéressante dans notre contexte en vue d’une prise en charge précoce pour améliorer le pronostic de ces patients. La réduction de la morbidité et de la mortalité du choc septique en réanimation dans les pays en voie de développement ne pourrait être effective qu’avec le respect de la prévention des infections surtout communautaires
Références
1. Sergio L, Zanotti-Cavazzoni, Steven MH. Cardiac dysfunction in severe sepsis and septic shock. Current Opinion in Critical Care 2009 ; 15 : 392-397
1- Martin GS, Mannino DM, Eaton S, Moss M. The epidemiology of sepsis the United States from 1979 through 2000. N Engl j Med. 2003 ; 348 : 1546-454
2- Annane D, Aegerter P, Jars-Guincestre MC, Guidet B. Current epidemiology of septic shock : the CUB-Rea Network. Am. J Respir. Crit Care Med 2003 ; 168 : 165-72.
3- Mebazaa A, Payen D. Severe infection : not a minute to lose for a major national priority. Presse Med 2006 ; 35 : 511-2
4- Annane D, Aegerter P, Jars-Guincestre MC, Guidet B. Current epidemiology of septic shock : the CUB-Rea Network. Am J RespirCrit Care Med 2003 ; 168 : 165-172.
5- Suffredini AF, Munford RS. Novel Therapies for Septic Shock Over the Past 4 Decades. JAMA 2011 ; 306 : 194-199
6- Meisner M. Biomarkers of sepsis : clinically useful ? Curr Opin Crit Care 2005 ; 11 : 473-480
7- ParissisaJT, Rafouli-Stergioua P, Stasinosa V, Psarogiannakopoulosa P, Mebazaab A. Inotropes in cardiac patients : update 2011. Current Opinion in Critical Care. 2010 ; 16 : 432-41
8- Wheeler DS. Death to sepsis : targeting apoptosis pathways in sepsis. Critical Care 2009 ; 13 : 1-3
9- Christaki E, Opal SM. Is the mortality rate for septic shock really decreasing ? Current Opinion in Critical Care 2008 ; 14 : 580-586
10- Stapleton RD, Wang BM, Hudson LD, et al. Causes and timing of death in patients with ARDS. Chest 2005 ; 128 : 525-32.
11- Melot J, Sebbane M, Dingemans G, Claret PG et al. Ann. Fr Anesth. Réanim. 2012 ; 31 : 583-90